Hypeborea: Attaque fantôme (Une fin lamentable)

Épisode dix: Attaque fantôme

Chapitre six: Une fin lamentable

« La nuit est tombée! remarqua Hercule en se rapprochant de son camarade.
– Et alors? ajouta celui-ci en continuant à pourfendre l’espace de sa hache terrifiante. Tu as peur du noir?
– Oui, répondit le futur gendre du roi en se collant à Phileas qui, horrifié par le contact odieux avec le nabot, poussa un petit cri de dégoût, compromis subtile entre la hyène espiègle et le chat d’appartement capricieux par nature et frustré qu’on lui refuse une friandise.
– Tu n’as pas honte? demanda le barbu en prenant ses distances.
– Non. » répondit Hercule en louchant sur son épée aux reflets brillants.
Une lueur surnaturelle se dégagea de l’arme blanche. L’élu de la prophétie tomba à la renverse et les spectres les plus proches furent instantanément volatilisés. Hercule ouvrit un œil et s’insurgea de ce qu’il vit:
« C’est affreux, dit-il, qu’est-il arrivé à tous ces pauvres fantômes?
– Ils ont été bannis dans une dimension parallèle, répondit Phileas en s’efforçant de garder son calme.
– Qu’est ce que ça veut dire?
– Ben en gros, ça veut dire qu’ils ont disparu.
– Comme mon livre d’image avec des peintures de femmes?
– Hercule, je ne pense pas que ton livre ait été banni dans une dimension parallèle. A mon avis, tu as des chances de le retrouver dans la chambre de Damien comme c’est déjà arrivé.
– Alors c’est peut-être aussi Damien qui a fait disparaître les spectres. Ils sont peut-être aussi dans sa chambre!
– Hercule aussi prodigieuse que soit ta bêtise, il est de mon devoir de t’informer que les fantômes sont retournés dans les limbes visiblement grâce à ton épée et surtout que nous n’allons pas pouvoir continuer à discuter très longtemps et à nous battre en même temps. »
C’est à cet instant précis que l’ancien roi Pirof qui s’était faufilé subrepticement l’air de rien jusqu’à nos héros assomma le barbu d’un direct à la mâchoire aussi violent qu’un régime à base de coriandre, cet ignoble persil empoisonné auquel seul les chinois survivent.

Le guerrier roux à la barbe sale et à la carrure d’ours perdit connaissance quelques instants. Il fit alors un horrible cauchemar dont voici le résumé:
Phileas se voyait marcher en équilibre sur une corde au-dessus du vide. Derrière lui, des habitants d’une contrée inconnue lui tendaient une serviette mouillée et menaçaient de le nettoyer à des endroits où ça chatouille. Impossible donc de faire demi-tour. Devant lui, des animaux bizarres s’emboîtaient les un dans les autres comme des cubes pour former un plat d’une taille considérable dans lequel baignaient de fort grasses tranches d’andouillettes en très grande quantité. De ce menu absolument ignoble s’échappait une odeur terrifiante lui interdisant par conséquent de faire un pas de plus. Phileas fit un geste brusque et tomba dans le vide. La chute fut anormalement longue. En attendant, le guerrier roux en profita pour élaborer mentalement quelques théories sur le pourquoi du comment de la saveur des andouillettes. Il imagina pour commencer une équipe de gorilles en costume installés dans un car en plein soleil dont on récolterait le jus. Il les imagina ensuite en train de faire du trampoline. Une bassine installée sous l’appareil permettrait de récolter la sueur dont la saveur reste à ce jour ce qu’il y a de plus proche de celle de l’andouillette.
« Mais non! dit Phileas à voix haute. Pour avoir un goût pareil, il suffit tout bonnement de faire courir des singes en plein mois d’août et de presser leurs semelles au-dessus du plat une fois la course effectuée. C’est aussi simple que ça! »
Il fut alors réveillé par le pied gauche de Damien à moitié crotté que celui-ci exhibait devant le visage du guerrier évanoui. Après l’avoir secoué dans tous les sens, le vieux sorcier n’avait rien trouvé de plus efficace pour ranimer son camarade.
« Mes amis, s’exclama Damien en produisant un bouclier de lumière avec ses mains pour empêcher les spectres d’approcher, je vous signale que la princesse Diane est au milieu du combat, ce qui ne convient pas du tout à une personne de son rang. Alors si l’un de vous roupille sous mes pieds et que l’autre s’amuse à faire des feux d’artifice avec son épée, on peut dire que le château est en pleine décadence. J’ai honte!
– Non, mais là mon épée commence à chauffer très fort, précisa Hercule en tenant son arme à deux mains.
– Quel goujat! s’insurgea sa fiancée. Je fais une chute de plusieurs mètres au péril de ma vie pour vous prêter main forte et tout ce que tu trouves à dire, c’est que tu n’as pas ce qu’il faut où je pense pour manipuler ton arme sans te faire mal…
– Nous prêter main forte? répéta Phileas amusé.
– Parfaitement, reprit la princesse en marchant sur le pied du barbu qui mugit comme un petit veau. Pour vous prêter main forte, tu as très bien entendu. Pourquoi fais-tu cette tête idiote, ça te fait rire, gros malin?
– Vous allez tous mourir! vociféra l’ancien roi Pirof qui était sur le point de détruire le bouclier de lumière du sorcier.
– Écartez-vous, ça va sortir! hurla Hercule en levant son épée le plus haut possible.
– Tes histoires de digestion ne nous intéressent pas, s’emporta Damien en remettant ses chaussures. Si tu sens que ça va sortir, tu vas aux toilettes comme tout le monde et tu n’embête pas les autres.
– Je vous aurai prévenu! » termina Hercule en fermant les yeux.
Les cheveux du guerrier se plaquèrent en arrière sous l’effet du champ de force qui se dégageait tandis qu’un éclair aveuglant jaillit de son épée. Les spectres furent tous exterminés sans exception.

Le roi Ernest sortit tout guilleret de la cave en faisant tournoyer sa ceinture au-dessus de sa tête tel un cowboy du Far West brandissant son lasso. Comme on pouvait s’y attendre, il se retrouva en caleçon, s’emmêla les guibolles dans son pantalon et tomba à la renverse devant tout le monde entraînant son futur gendre avec lui. L’effet de la pilule fut anéanti par la chute et le roi se trouva nez-à-nez avec le diamant qu’Hercule portait encore autour du coup la seconde précédente et qui venait de se détacher sous la violence du geste.

« Père! s’exclama la princesse Diane en accourant comme un chien quand on agite un sucre. D’où vient ce merveilleux bijou?
– Ma foi je n’en sais rien, répondit l’intéressé.
– Et bien… marmonna le jeune guerrier d’une voix idiote, c’est le diamant dont je vous avais parlé, vous savez, je l’ai pris au cimetière des anciens.
– D’où leur colère! supposa Phileas en administrant une paire de claque à son coéquipier.
– C’est étrange intervint Damien, car j’ai pu lire une animosité particulière à l’égard d’Ernest dans l’esprit du roi Pirof.
– De l’ancien roi je te pris! rugit le maître des lieux en se relevant.
– Pardonnez-moi, Sire, corrigea Damien, mais le, mobile de l’assaut n’était pas entièrement dû au vol d’Hercule. Je vous sens responsable de la colère des spectres, si vous pouviez nous en dire plus…
– Et bien… commença le coupable avec la même voix idiote que le jeune Hercule quelques secondes plus tôt, c’est embêtant ce nouveau pouvoir que tu développes, mais il faut que vous sachiez que je suis allé au cimetière moi aussi, il y a très longtemps.
– Attendez, s’alarma Damien, je suis en train de lire dans votre esprit quelque chose qui ne me plait pas du tout! Sire! Dites-moi que je me trompe! Vous n’avez pas…
– Vas-tu te taire, insolent! s’indigna le roi.
– Non, non! lança la princesse Diane à l’intention du sorcier, continue au contraire cela me paraît très instructif!
– Le roi s’est soulagé sur la tombe de Pirof! dit Damien d’une seule traite en levant les yeux au ciel.
– Toi tu ne perds rien pour attendre! rétorqua le roi hors de lui.
– Père! s’indigna la princesse! Vous avez osé uriner sur la tombe de votre prédécesseur? Vous n’avez pas honte?
– Non, répondit le roi en souriant. Va plutôt ranger ta chambre et laisse les grands maintenant, je te signale que tu n’es qu’une demoiselle et que tu n’as par conséquent rien à dire.
– Plus pour longtemps! intervint Hercule.
– Comment cela? demandèrent le roi et sa fille.
– Sire, vous m’avez dit que vous m’accorderiez la main de votre fille si j’accomplissais un haut fait sous vos yeux. Je viens de détruire une armée de fantômes, si ça n’est pas un haut fait…
– C’est que j’étais à la cave, dit calmement le roi, je n’ai rien vu, hélas…
– Mais… bredouilla Hercule, tous vos hommes sont témoins, vous n’allez pas me refuser…
– C’est bon! trancha le roi en baillant sans mettre la main devant la bouche. Vous me fatiguez tous! Il faudra bien qu’elle se marie un jour cette bonne à rien alors autant que ça soit avec toi.
– Père? murmura la princesse en battant des cils, vous donnez réellement votre accord?
– Ben moi c’est ce que j’ai compris, dit Hercule en prenant les mains de la jeune fille sans attendre la réponse du vieillard. Tu es contente chérie?
– Mais moi je ne suis pas sûr de vouloir t’épouser! gloussa Diane en se dégageant.
– Tu… tu plaisantes? balbutia le futur gendre du roi en retenant ses larmes.
– Oui! triompha sa future épouse en courant vers le château.
– Toi tu ne perds rien pour attendre! rugit Hercule en lui courant après.
– Hercule! cria le roi avec ses mains en porte-voix. J’estime que tu as fait tes preuves. Tu me feras penser à te passer l’amulette magique autour du cou, comme ça tu seras invincible et mon château sera imprenable.
– Et nous serons tous au chômage, marmonnèrent quelques soldats aigris.
– Pour l’amulette, ça ne va pas être possible, fit la voix du héros dans le lointain.
– Pourquoi? demanda le roi toujours en criant.
– Je l’ai jouée aux cartes et j’ai perdu. » conclut Hercule avant de disparaître avec sa fiancée dans le château où il occuperait trois jours plus tard le titre de prince de la contrée.

Hyperborea: Attaque fantôme (La dernière bataille)

Épisode dix: Attaque fantôme

Chapitre cinq : La dernière bataille

« Ils arrivent, marmonna le vieux sorcier en faisant disparaître une déjection nasale à moitié incrustée dans ses vêtement d’une chiquenaude discrète, mais efficace.
– Qu’est ce que tu as dit? demanda le roi Ernest en arrachant les fleurs d’un bouquet en pot pour se les mettre dans les cheveux.
– Je dis que quand une fumée verte précède un cortège de formes floues, cela signifie probablement qu’ils arrivent.
– Ils arrivent? répéta le roi en se caressant la barbe du revers de la main d’une manière fort peu virile, mais de qui tu parles?
– Des fantômes, Sire. Et ayez l’air un peu plus vaillant, parbleu! Bientôt, vos hommes vont proposer des bisous à l’adversaire s’ils se calquent sur votre humeur!
– Oh, comme ce serait chic! s’extasia le roi en frappant des mains. Le regard noir de Damien ne l’incitant pas à continuer, le maître des lieux donna l’assaut et retourna dans sa cachette avec tout un paquet de sucettes au caramel pour tenir le coup au cas où la bataille ne vienne à s’éterniser.

Le général de l’armée royale leva son épée, aussitôt imité par les centaines de soldats qui l’entouraient et tous crièrent leur cri de guerre à l’unisson. En face, l’ancien roi Pirof et son armée translucide défiaient les lois de la gravité en survolant les remparts pour atterrir directement dans la cour du château. Leur geste provoqua un certain émoi chez les dames de la cour qui observaient la scène depuis les différentes fenêtres du château. Certains soldats du roi, entendant les cris pitoyables sortant des gosiers splendides, se retournèrent et se mirent à frimer en bombant le torse avec fierté. Ce moment d’inattention leur fut malheureusement fatal. En effet, ils furent les premiers à être décapités par les spectres. Des têtes furent projetées contre les vitres. Nouveaux cris de stupeur de la gente féminine. La fenêtre des cuisines étant restée ouverte, une tête tomba dans une marmite et la cuisinière, occupée à découper des carottes en rondelles, ne s’aperçut nullement de l’incident. Elle se retourna vers la marmite pour y ajouter les légumes et plaça celle-ci sur le feu. Une recette venait de naître par accident, à cause de, ou plutôt grâce à une action militaire. Comme quoi la guerre a tout de même du bon pour les gastronomes.

Enfermé dans son atelier, le sorcier Damien venait de verser le contenu d’un élixir capable d’endormir n’importe quoi dans un arrosoir en fer et qu’il eut par la suite beaucoup de mal à soulever. Le sale petit bonhomme se précipita aussitôt dans la plus haute tour du château et chercha des yeux l’ancien roi Pirof pour lui faire subir la terrible pluie ensorcelée.

C’est à ce moment précis qu’Hercule jaillit dans l’enceinte du château suivi de loin par Phileas qui, pour une fois, avait beaucoup de mal à le rattraper. Les yeux injectés de sang, l’élu de la prophétie dégaina son épée lunaire, bondit tel un diable dans son armure verte et ce qui devait arriver arriva. Le prenant pour Pirof, Damien lui déversa immédiatement le contenu de l’arrosoir sur le crâne. La réaction du guerrier fut immédiate. Il hurla d’abord la réplique suivante:
« Regardez Majesté! Je vais tuer tous ces fantômes de ma propre main et mériterai ainsi celle de votre fille! »
Après quoi il ferma aussitôt les yeux et tomba comme une masse pour rouler sur le sol jusqu’à la porte d’une trappe qui venait de s’ouvrir et par laquelle une tête dépassait. Le roi Ernest, car c’était lui, voulait savoir pourquoi Hercule se faisait remarquer de la sorte et reçut ce dernier (contre toute attente) en pleine figure. L’effet de la pilule euphorisante était terminé et le vieillard n’apprécia pas du tout la violence du contact. Les deux hommes dégringolèrent dans l’escalier menant à la royale cachette et le paquet de sucettes au caramel fut totalement écrasé. Le roi rentra dans une colère noire. Saisissant le jeune homme sans connaissance par le cou, il lui demanda s’il se rendait compte de ce qu’il venait de faire. Un spectre voulut les rejoindre, mais prenant peur en voyant son propre reflet dans le bouclier magique d’Hercule, il ressortit aussitôt et disparut dans les limbes. La colère du roi retomba et il essaya de ranimer son futur gendre.

Dans la cour du château, Phileas venait d’arriver et distribuait de violents coups de hache dans l’espace pour dissuader les spectres de s’approcher. Les soldats du roi l’imitaient avec leurs épées, mais la fatigue les gagnerait bientôt et ils deviendraient alors des proies faciles. De plus on avait beau frapper les fantômes au moment où ils attaquaient, rien n’y faisait, le plan avait totalement échoué. L’heure était grave. Sans compter que les fantômes avaient la faculté terrifiante de libérer de dangereuses décharges électriques avec leurs yeux. Quand on lui raconta ce qu’il s’était passé avec Hercule, le guerrier roux fila rejoindre Damien et le sermonna comme un écolier.

« Je croyais que c’était Pirof, se défendit le vieux sorcier, il avait le corps vert et les yeux rouges.
– C’est malin, répondit le barbu. Maintenant, il s’agit de le retrouver.
– Il me semble l’avoir vu tomber par ici, précisa Damien en désignant la fameuse cachette.
– Alors on y va! » brailla Phileas d’une voix autoritaire en saisissant le sorcier par l’oreille.

« Me voilà tranquille, marmonna la princesse Diane en contemplant le corps de sa nourrisse étendue sur le sol. La vieille bique est dans les choux et je n’ai plus qu’à enfoncer la porte. »
La jeune fille brandit la chaise avec laquelle elle venait d’assommer la vieille femme et la jeta de toutes ses forces contre la porte en bois. Malheureusement, celle-ci résista et ce fut la chaise qui se brisa en morceaux. De désespoir, la princesse tomba à genoux en sanglotant et saisit la robe de sa nourrisse pour sécher ses larmes et se moucher avec énergie.

Phileas et Damien arrivèrent à la cachette au moment où Hercule reprenait ses esprits. Soulagé, le barbu lui donna une légère tape amicale sur la joue. L’élu de la prophétie s’écroula à nouveau.
« Hercule, ne fait pas l’enfant! s’insurgea Phileas en l’aidant à se relever.
– C’est amusant, remarqua le roi, il a détruit un spectre avec son bouclier. Il y a certainement quelque chose à faire de ce côté là.
– Pas une seconde à perdre! » rugit Phileas en s’emparant de l’objet réfléchissant. D’autres fantômes voulurent s’en prendre à nos héros, mais le guerrier roux orienta le bouclier de son compagnon dans leur direction et ils connurent le même sort que leur congénère.
« Sire, restez à l’abri, conseilla Damien, nous allons verrouiller l’accès.
– Mais je ne veux pas rester tout seul! s’affola le maître des lieux.
– Prenez cette pilule euphorisante, proposa le sorcier pour la seconde fois avec un clin d’œil complice, elle vous fera du bien. »
Damien se dit que le roi pouvait bien sauter de joie tout seul dans la cave, au moins il ne dérangerait personne. Après quoi, il remonta à la surface avec les deux guerriers.
Les trois hommes arrivèrent dans la cour du château au moment où la bataille battait son plein. Plusieurs soldats avaient reconnu le roi Pirof à son air imposant, mais ce dernier était resté en retrait. Inutile d’espérer le vaincre pour perturber son armée translucide, le monstre était malheureusement hors d’atteinte. Décidément, tout tombait à l’eau. Voulant réitérer son exploit, Hercule fit des grimaces, mais les créatures fermèrent les yeux en prétextant ne pas avoir besoin de voir leurs adversaires pour sentir leur présence. Impossible dans ces conditions de les faire mourir de rire comme nos héros l’imaginaient. En désespoir de cause, l’élu de la prophétie dirigea timidement son bouclier vers l’armée de spectres, mais l’un d’eux fit valser l’objet à plusieurs mètres en propulsant une décharge de rayon optique dans la direction du nabot. Tout semblait perdu…

Cependant la nuit commençait à tomber et ce soir-là, la lune serait pleine, ce qui était une bonne chose pour Hercule. En effet, outre le sort bestial qu’il réservait à sa fiancée durant ces périodes, la puissance de son épée se trouvait décuplée par les rayonnements lunaires. Ne me demandez pas pourquoi, je ne serai pas d’avantage capable de vous l’expliquer qu’un amateur de Michel Sardou ne serait capable de vous expliquer pourquoi il l’écoute.

Lorsqu’elle vit son amoureux par la fenêtre de sa chambre qui, par un heureux hasard, donnait sur la cour du château, la princesse Diane s’excita fortement et tambourina aux carreaux comme une dinde. C’est à ce moment précis qu’une tête de soldat tranchée par un spectre fut propulsée dans les airs et vint justement briser la fenêtre derrière laquelle la jeune fille se tenait pour atterrir dans ses mains. La princesse reconnut aussitôt Dimitri, un petit moustachu qui lui avait fait des avances durant l’absence d’Hercule. Amusée, elle lui fit tirer la langue, lui ébouriffa les cheveux et s’amusa devant son miroir à faire la femme enceinte en plaçant la tête sous ses vêtement directement au niveau du ventre. Ayant épuisé toutes les distractions possibles, elle rangea la tête de Dimitri dans son armoire avec ses autres jouets avant de sauter par la nouvelle ouverture faite dans la vitre brisée.

L’effet de la seconde pilule euphorisante était à son paroxysme. Dans sa cachette souterraine, le roi Ernest se trémoussait en sifflotant à quelques mètres d’un spectre évanoui que le bouclier magique n’avait pas totalement éliminé. Inconscient du danger, le vieillard chantait maintenant à pleine voix en exécutant de magnifiques pas de danse au risque d’éveiller la créature. Celle-ci ouvrit d’ailleurs un œil au moment ou le roi tentait avec un succès tout relatif de reproduire un solo de trompette avec sa gorge. Fort heureusement, le vieillard glissa sur une flaque de pisse laissée par un gros rat espiègle qui observait la scène depuis un tas de vieux sacs de farine entreposé contre le mur. Ne comprenant pas d’où venait le bruit de chute, le spectre sursauta sous l’effet de la peur et fit le mort dans le doute pour éviter qu’on ne s’en prenne à lui.

La princesse Diane se retrouva sur les épaules de Damien qui se tenait juste en-dessous de la fenêtre. Le vieux sorcier perdit l’équilibre sous le choc et la princesse termina sa chute sous la forme d’une splendide galipette qui incita les soldats de l’armée royale à applaudir. Certains rirent aux éclats en voyant la jeune fille en mauvaise posture. Ceux-là furent tous décapités par les spectres qui ne supportaient pas les rires militaires, geste d’une violence rare sur lequel nous fermerons les yeux. Il faut dire aussi que les soldats avaient un rire particulièrement agaçant… probablement le résultat d’un entraînement physique aliénant totalement incompatible avec toute forme d’intelligence.

Hyperborea: Attaque fantôme (La motivaton d’Hercule)

Épisode dix: Attaque fantôme

Chapitre quatre: La motivation d’Hercule

« Tu me fais mal! lança la princesse Diane à sa nourrisse qui lui passait de la pommade sur le dos. Mets m’en plutôt sur la nuque. »
La vielle femme s’exécuta et la princesse en profita pour glisser la main dans le petit sac qu’elle portait en bandoulière. Malheureusement, elle ne réussit qu’à dénicher un mouchoir usagé et du linge gras.

« C’est embêtant que je te fasse rire aussi, remarqua Hercule. Niveau crédibilité, c’est pas terrible.
– Excuse-moi, répondit Phileas avec difficulté, c’est nerveux. Non mais en même temps tu as vu ta gueule? Je n’avais jamais remarqué que c’était à ce point-là…
– Ouais, l’habit ne fait pas le moine. Toi tu es massif et pourtant l’autre jour, tu dormais à table pendant le discours du roi et tu criais: maman!
– C’est vrai ce que tu dis?
– Non, mais tu l’as bien cherché!
– Hercule…
– Quoi?
– En temps normal, je t’aurais giflé, mais regarde un peu les fantômes… »
Le futur gendre du roi se retourna et vit une foule de spectres en train de se rouler par terre. Certains poursuivaient leur chemin vers le château avec le roi Pirof à leur tête, mais tous ceux qui étaient restés là et qui se trouvaient en face des deux guerriers se tordaient de rire d’une manière inquiétante.
« Qu’est ce qui leur arrive? demanda Phileas en reprenant son sérieux.
– Ben ça se voit non? s’offusqua Hercule. Ils se payent ma tête.
– C’est beaucoup plus grave! Regarde celui-ci, reprit le rouquin en désignant un spectre, il part en poussière… »
Le petit tas de cendre se multiplia très vite car tous les fantômes restés avec nos héros se tordirent de douleur avant de disparaître à leur tour. Hercule et Phileas se regardèrent sans rien dire. Ils s’approchèrent des restes de cadavre et se baissèrent pour mieux voir.
« C’est quoi? demanda Hercule.
-Ben… leurs cendres! répondit Phileas.
– Ah bon?
– Qu’est ce que tu croyais?
– Ben je sais pas, ça aurait pu être les restes d’un barbecue.
– Celle-là tu ne l’as pas loupée, dit Phileas en administrant une violente gifle à son coéquipier, tu es trop bête. Il faut immédiatement retourner au château et devancer nos adversaires, viens vite! »

La friandise terminée, le roi Ernest lécha le bâton de sa sucette quelques minutes avec nostalgie avant de le jeter brutalement sur la tête du fidèle Lucien, son épagneul qui dormait tranquillement à ses côtés. Celui-ci se voyait en rêve en train de déguster une pièce de bœuf quand l’intervention du roi modifia le songe en y faisant naître une pluie d’os tombée du ciel. L’animal se réveilla et, dans un demi sommeil, ouvrit la gueule en attendant la suite au moment où Damien arrivait pour demander si tout allait bien. Le roi crut d’abord que le chien s’était mis à parler et poussa un gémissement d’effroi fort embarrassant qui amusa beaucoup le vieux sorcier.
« Et bien je me sens mieux, répondit le vieillard. J’ai même l’impression que cette attaque est une bonne chose.
– Comment cela? s’inquiéta Damien.
– Nous avons tant à apprendre de l’au-delà, c’est l’occasion rêvée! Et je suis sûr que les fantômes sont tous très sympathiques. Toi-même, tu m’es très sympathique Damien, je ne te l’avais jamais dit? »
Le sorcier ne répondit rien et baissa la tête en songeant que l’effet de la pilule euphorisante allait bien au-delà de ses espérances et que ça commençait à sentir l’urine à plein nez militairement parlant.

« Ne bouge plus! ordonna la princesse Diane qui maintenait la vieille plaquée au sol avec son avant bras appuyé sur le cou de celle-ci. Tu vas me donner bien gentiment la clef de cette chambre sans faire d’histoire.
– Je ne peux pas, mademoiselle.
– Et pourquoi cela je te pris? Tu as peut-être peur d’être punie par mon père?
– Le roi ne me fait pas peur, il est aussi gâteux que moi, sauf votre respect. Le fait est qu’en me plaquant au sol comme vous venez de le faire, la clef que j’avais dissimulée dans mon oreille a valsé en l’air et a glissé sous la porte. Elle est maintenant dans le couloir.
– J’espère que tu n’avais pas refermé derrière toi! s’inquiéta la princesse en déglutissant d’une manière fort peu élégante.
– Si. Les fenêtres ne s’ouvrent pas. Nous sommes coincées toutes les deux. »
La princesse se releva, recula jusqu’au mur situé derrière elle et s’y plaqua, blanche comme un linge tandis que la vieille femme s’avançait vers elle en souriant à travers ses rides d’une manière extrêmement menaçante.

Hercule et Phileas courraient comme des diables dans la galerie sombre. Le premier haletait comme une fille en retard pour l’ouverture des soldes tandis que le second se plaignait du manque de vitesse de son partenaire.
« Dis-donc, fit Hercule tu ne crois pas que vaincre l’armée des spectres serait un haut fait qui inciterait le roi à m’accorder la main de sa fille?
– Je n’en sais rien, demande lui!
– C’est vrai après tout! Tu te souviens que quand j’ai demandé la main de la princesse Diane, il m’a dit d’accomplir un haut fait sous ses yeux avant d’obtenir sa permission.
– Ben tiens, ça se mérite une bonne femme!
– Pourtant je l’avais déjà délivrée des griffes de l’horrible comte Gamaratu, je ne sais pas ce qu’il lui faut au roi Ernest!
– Je pense qu’il tient tout simplement à assister à ton prochain exploit.
– Si je butte les fantômes devant lui, ça sera un exploit?
– Et si tu courais plus vite on arriverait plus tôt?
– Non, mais réponds!
– Ben oui, banane! Il serait rassuré de constater de ses propres yeux que tu n’as pas volé ta réputation de sauveur du royaume à laquelle j’ai moi-même beaucoup de mal à croire.
– Très bien! clama d’une voix déterminée l’élu de la prophétie tout en pressant le pas. Je vais leur casser la gueule! »

Hyperborea: Attaque fantôme (Rencontre avec les fantômes)

Épisode dix: Attaque fantôme

Chapitre trois: Rencontre avec les fantômes

« Sire! lança le général de l’armée royale qui se trouvait dans la cour du château avec plusieurs centaines de soldats. Mes hommes sont prêts. En revanche, ils demandent quelques directives concernant une attaque fantôme.
– Et bien, répondit le roi d’un air embarrassé, demandons au sorcier…. Hum!… Damien! Viens un peu par ici!
– J’ai entendu, Sire, répondit le vieil homme en s’approchant. Je pense que des fantômes sont immatériels par définition, mais ils devront se débrouiller pour nous toucher lors de leurs propres attaques. C’est à ce moment précis qu’il faudra les frapper car ils ne seront plus intouchables.
– Vous entendez? tonna la voix du vieux roi déjà très fatigué à l’intention d’une foule gigantesque. Il faut frapper quand ils attaquent et pas avant, ça ne servira à rien.
– Sire, confia Damien en tendant un drôle d’appareil en forme de cornet, prenez plutôt ça. C’est un haut-parleur, je l’ai ramené d’un voyage dans le futur effectué avec mon élixir temporel. »
Le roi répéta ce qu’il venait de dire dans la machine, mais un drôle de larsen résonna dans la cour du château. Croyant à l’arrivée de l’armée fantôme, des dizaines de soldats terrifiés s’enfuirent au pas de course dans la nature. Horrifié, le roi rendit le gadget au vieux sorcier et demanda au général de son armée de bien vouloir répéter la consigne aux différents chefs de section pour éviter une nouvelle catastrophe.
« Nous venons d’avoir un aperçu de la réaction de nos hommes quand ils verront les spectres arriver, se lamenta le roi en prenant Damien par l’épaule.
– Prenez ça, répondit ce dernier en lui tendant un médicament. C’est une pilule euphorisante. Vous êtes bien trop stressé pour votre âge. Il faut vous détendre car vous savez comme moi que ça va barder dans pas très longtemps. Commencez déjà par vous mettre à l’abri.»
Le roi Ernest s’isola sans discuter dans un endroit tranquille pour avaler ce qu’on lui donnait et enchaîna aussitôt sur une seconde sucette au caramel, loin des regards indiscrets et de la vilaine odeur de sueur de ses propres soldats.

« C’est humide et ça pue, se plaignit Hercule en courant dans l’obscurité.
– Ah non Hercule! tonna la voix de Phileas. Tu es gonflé! C’est toi qui nous amènes dans ce souterrain et maintenant, tu te plains. Fais-moi plaisir, avance et tais-toi!
– N’empêche, que c’est humide et ça pue!
– Au lieu de me casser les oreilles, dis-moi ce que tu comptes faire si jamais ton plan tombe à l’eau.
– Pardon?
– Ben oui, si les fantômes ne sont pas surpris, ils vont nous exploser. Et qui plus est, c’est toi qui leur a volé le diamant, s’ils te reconnaissent, tu vas passer un mauvais quart d’heure…
– A la limite, une fois qu’ils m’auront eu, ils repartiront peut-être et j’aurais sauvé les autres habitants du château.
– Hercule, tu es un héros. Vas-y tout seul, dit Phileas en s’arrêtant brusquement.
– OK, on rentre! hurla Hercule en faisant demi-tour et en courant dans l’autre sens.
– Attends, dit Phileas en le rattrapant, on est presque arrivé. J’entends du bruit, c’est trop bête. Allons-y, je t’accompagne. »
La mort dans l’âme, Hercule se résolut à poursuivre son propre plan. Les deux guerriers sortirent du sous-terrain et grimpèrent dans le premier arbre qu’ils trouvèrent à proximité du chemin menant au château.
« Tu vois quelque chose? demanda Hercule.
– Oui. Ton postérieur, répondit Phileas. Tu peux monter d’une branche ou deux? Et puis c’est toi qui es au-dessus de moi, c’est toi qui devrais voir quelque chose.
– Attends une seconde, je vois un truc là. Oh, c’est mignon…
– Mignon? Hercule, tu surveilles bien l’arrivée des fantômes?
– Mais non banane! Je te parle d’un nid de rouge-gorge, sinon je ne dirais pas ça. T’as du mal toi quand même, tu sais?

Enfermée dans sa chambre, la princesse Diane observait avec délice une grosse mouche verte emberlificotée dans une solide toile d’araignée sur le rebord de sa fenêtre. L’insecte se débattait sans succès tandis que la jeune fille soufflait sur la toile pour augmenter la difficulté pourtant déjà très importante.
« Je me demande ce que doit ressentir cette mouche, se demanda la princesse en saisissant une aiguille à coudre qu’elle enfonça dans l’abdomen du pauvre insecte, cela ne doit pas être agréable. »
C’est à cet instant précis qu’elle perdit l’équilibre en voulant trop se pencher sur la fenêtre. Elle fit tomber l’ustensile avant de s’effondrer elle-même telle une grosse baudruche en faisant valser ses souliers au passage à travers la pièce. Elle rechercha aussitôt l’aiguille sur laquelle elle marcha pieds nus et hurla comme une truie en donnant à l’objet pointu toutes sortes de noms d’oiseaux d’une diversité surprenante.

« Mademoiselle, s’exclama sa vieille nourrisse qui venait d’arriver, souhaitez-vous procéder à vos soins du corps en attendant la fin de la bataille?
– La vieille bique? s’étonna la princesse Diane à voix basse. Comment es-tu rentrée? demanda-t-elle en parlant plus fort.
– J’ai frappé et croyant entendre un oui de votre part, j’ai utilisé la clef remise par votre père pour vous rejoindre.
– Je ne t’ai pas dit oui, je parlais à une aiguille, mais c’est sans importance. En revanche, j’ignorais que tu possédais la clef de ma chambre. Donne.
– Désolée, mais j’ai pour consigne de la garder sur moi.
– Très bien, alors viens-donc me mettre de la crème hydratante sur le dos. C’est bon pour la peau, paraît-il. »
La princesse Diane se déshabilla tout en songeant:
« Qu’à cela ne tienne, pauvre cloche. Je te subtiliserai cette clef pendant que tu t’occuperas de moi… »

« Les voilà! annonça Phileas à voix basse.
– Comment? demanda Hercule à voix haute. Attends, je ne comprends rien à ce que tu me dis. Je vais descendre, rejoins-moi, ce sera plus pratique pour parler au niveau du sol. »
Le guerrier le plus idiot de la contrée sauta à pieds joints et se retrouva au milieu du chemin. L’armée fantôme fut sur lui en quelques secondes.
« Pour l’effet de surprise, on repassera, constata Hercule.
– T’as trouvé ça tout seul? hurla Phileas en rejoignant son camarade. Tu as tout fait rater, pauvre crétin! Dire que c’était ton idée…
– Ils sont plaisants, lança un spectre sourire aux lèvres, surtout le nabot.
– Je ne suis pas un nabot, rétorqua Hercule, je suis l’élu de la prophétie et j’ai des armes magiques. Vous êtes tous déjà morts! »
Son interlocuteur agita joyeusement les épaules, suivi par tous les autres spectres. Les spasmes laissèrent la place aux rires et les rires à l’hilarité. Tout le monde se moquait d’Hercule de bon cœur et même Phileas ne put s’empêcher de ricaner en dévisageant son camarade. Il est vrai que le grotesque de son apparence était à ce moment-là renforcé par le port de l’étrange armure verte. Plusieurs animaux intrigués par le chahut se rapprochèrent et assistèrent au spectacle en riant à leur tour. On raconte même qu’un singe savant échappé d’une troupe aurait tellement ri, qu’il aurait fait le portait d’Hercule pour avoir un souvenir, mais il est important de préciser qu’en revanche, ce primate-là n’a absolument aucun rapport avec ceux qui ingurgitèrent tantôt des cornes en bois. Ceux-là sont pour la plupart morts d’indigestion, mais ceux qui ont survécu, ont fini par muter. La réaction provoquée par un tel régime a, contre toute attente, modifié leur corps de singe pour lui donner l’apparence de celui d’un corps humain! Dites-vous bien que vos amis sont peut-être d’anciens singes ayant absorbé quelque corne en bois… En tous cas, c’est physiquement possible!

Hyperborea: Attaque fantôme (Une drôle d’idée)

Épisode dix: Attaque fantôme

Chapitre deux: Une drôle d’idée

Le cimetière était vide. Des esprits par milliers traversaient la forêt à une vitesse vertigineuse. Dans moins d’une heure, ils seraient au château.
« Majesté, fit l’un des spectres. Majesté! Si vous nous disiez pourquoi on doit renverser le pouvoir en place aujourd’hui, cela nous motiverait certainement. Pourquoi avoir crié: Vengeance! Tous au château! à votre réveil? De quelle vengeance parlez-vous?
– Et bien, répondit un spectre plus volumineux que les autres, celui de l’ancien roi Pirof aux yeux rouges et à la peau verte, j’ai vu d’en haut le roi actuellement en place porter atteinte à mon cercueil. Il doit payer pour son geste. Et de plus on m’a volé mon diamant. Maintenant laisse-moi léviter en paix, tu me fais ralentir. Je dois me concentrer sur les embûches de mon parcours.
– Mais voyons Majesté, reprit l’autre, vous n’avez pas besoin de ralentir pour me parler puisque vous êtes translucide, vous passerez au travers de n’importe quel obstacle quel qu’il soit.
– Écoute je ne peux pas parler et léviter en même temps, ça me donne la nausée.
– Mais qu’importe puisque votre corps n’existe plus, vous ne vomirez jamais. Vous compre… »
Le spectre ne put finir sa phrase car il rentra violemment en collision avec une branche d’arbre fort consistante et se mit, sous la violence du choc, à rendre une écœurante bile informe suite à une diète de plusieurs siècles. Il se remit dans la course en silence et ferma les yeux sur le rire bruyant de l’ancien roi.
« Que t’arrive-t-il? demanda l’un de ses semblable qui lui trouvait mauvaise mine.
– Je ne sais pas, répondit-il. Je me suis cogné et j’ai vomi. Je ne comprends pas, ça devrait être impossible puisque nous sommes tous morts.
– N’oublie pas que nous sommes des spectres en voyage sur la Terre, expliqua l’autre. Il peut y avoir des interférences avec la matière physique. C’est très rare, mais ça arrive quelques secondes de temps à autres à ce qu’on m’a dit.
– Je le saurai! » conclut le malchanceux en priant pour qu’il arrive la même chose au plus vite au roi Pirof durant le trajet.
Équipé de son épée lunaire et le corps revêtu d’une armure, Hercule déclencha les rires de quelques gamins qui passaient devant lui pour aller se mettre à l’abri avant le combat.
« Ben quoi? aboya le futur gendre du roi. Vous n’avez jamais vu d’armure?
– Si répondit un gosse plus âgé que les autres, mais jamais de verte portée par un nabot. En général, l’armure est grise et le soldat est toujours grand.
– Dis donc gamin, tu es plus petit que moi que je sache. Approche un peu pour voir…
– Hercule, tonna Phileas, on n’a pas le temps!
– Une seconde, reprit le guerrier, le temps de ridiculiser ce gosse en le prenant de haut et… mais… mais tu me dépasses? »
Un peu plus grand de trois ou quatre centimètres, le gamin fit un grand sourire à Hercule et partit rejoindre ses camarades. Dissimulés en partie par un concerto d’espiègles cavalcades, des rires fusèrent aux oreilles de notre ami qui jura entre ses dents d’une manière épouvantable.

« Je t’écoute Damien, dit le roi en regardant par la fenêtre d’un air préoccupé.
– Et bien, répondit le vieux sorcier, je pense que mes pouvoirs seront insuffisants pour vaincre une armée telle que celle du cimetière des anciens. En revanche, je pensais m’en prendre directement au roi… Pirof ? C’est bien ça?
– Absolument, répondit le maître des lieux en déglutissant. Si tu pouvais le maîtriser, son armée serait embarrassée un moment, ce qui nous laisserait le temps de prendre l’avantage. Sauras-tu le reconnaître?
– J’ai entendu dire que les anciens rois exhumés étaient d’une taille importante et se reconnaissaient également à leur peau verte et à leurs yeux rouges.
– Alors tâche de lui mettre la main dessus, ordonna le roi en déglutissant à nouveau.
– Vous pouvez me faire confiance, Sire. »
Le vieux sorcier se retira et le roi Ernest termina sa sucette au caramel qu’il léchait discrètement en tournant le dos depuis le début de l’entretien.

« Phileas! lança Hercule.
– Quoi? fit l’autre.
– Je viens d’avoir une idée.
– Laisse-moi deviner. Tu envisages de défendre le château et de combattre nos ennemis, c’est ça?
– Cesse de dire des âneries et écoute-moi. Les fantômes font peur aux gens, tu es d’accord?
– Heu… L’autre nuit quand une chouette a hurlé au moment où la chandelle s’est éteinte, tu as effectivement dit que tu avais peur des fantômes.
– On s’en fout! Les fantômes font peur aux gens et à moi le premier. C’est bien légitime.
– Trouillard!
– Mais non, c’est la chouette qui…
– Les fantômes font peur aux gens quand ils les surprennent, reprit Phileas après une claque d’une violence rare sur le visage de son coéquipier, et alors? Où veux-tu en venir?
– Tu vas bientôt pouvoir faire des tests avec mon propre fantôme si tu continues à me frapper à mort comme tu viens de le faire, répondit Hercule en se frottant la joue.
– Petite nature! Je t’ai à peine touché!
– Mais je te parle sérieusement. Que se passerait-il si les gens surprenaient les fantômes?
– Pardon?
– Mais oui! Si nous surprenions les fantômes? Il est arrivé que des fantômes provoquent des arrêts cardiaques en terrorisant des personnes vivantes. Il est maintenant possible que des vivants provoquent l’effet inverse en surprenants des fantômes.
– Que veux-tu dire?
– Puisqu’un vivant attrape une crise cardiaque en étant surpris par un fantôme, pourquoi est ce qu’un fantôme n’attraperait-il pas une crise de rire en étant surpris par un vivant?
– Hein?
– Je viens d’avoir cette idée et je voulais t’en faire part, c’est tout.
– C’est bien la première fois que tu as une idée, et c’est m’a l’air complètement tiré par les cheveux.
– Prenons le passage secret sous-terrain qui mène aux abords de la forêt. Nous les attendrons en haut d’un arbre et nous leur sauterons dessus. On verra bien ce qu’il se passe. »
Le guerrier roux leva les yeux au ciel d’un air atterré, mais son camarade lui saisit brusquement l’avant-bras et l’entraîna avec lui vers le passage secret qu’il venait d’évoquer.

Hyperborea: Attaque fantôme (La gaffe)

Épisode dix: Attaque fantôme

Résumé de l’épisode précédent: Le roi n’aime pas les gâteaux à la fleur de cactus et Phileas n’est pas passé loin du détournement de mineure. Sinon tout le monde va bien.

Chapitre un: La gaffe

« Ça va fritter? demanda Hercule en se levant de son fauteuil.
– Je dis que ça va chier liquide et que le royaume d’Hyperborea va ressembler à un visage de jouvencelle couvert de mouches à merde tellement ça va être le boxon, répondit Phileas en astiquant tranquillement sa hache avec un chiffon. Maintenant viens te rasseoir gentiment avec moi et attends que les autres arrivent.
– Mais sinon, ça va fritter? demanda Hercule pour la seconde fois sous le regard consterné du guerrier barbu qui releva la tête et s’arrêta de frotter son arme pour finalement répondre au futur gendre du roi par un silence méprisant.
– Réponds! s’impatienta l’élu de la prophétie.
– Hercule, reprit calmement son coéquipier, tu veux bien aller voir dans la salle d’arme si j’y suis? »
Ce que l’autre s’empressa de faire en renversant quelques personnes dans l’escalier sous le coup de l’excitation.
Le roi Ernest arriva peu après dans la pièce suivi de quelques généraux de son armée et demanda au guerrier roux ce qu’il pensait de la situation.
« C’est difficile à dire, Sire, ils sont bien plus nombreux. Mais ils n’ont aucune stratégie. Nous sommes mieux organisés sans avoir l’avantage du nombre. Pas facile de faire un pronostic dans ces conditions.
– Phileas! hurla Hercule en arrivant au pas de course, Phileas, tu dis n’importe quoi! Comment voudrais-tu être dans la salle d’arme puisque tu es ici. Tu es bête, c’est pas possible! Qu’est ce qu’on va faire de toi? »
Le guerrier roux assista impuissant à ce nouveau témoignage de bêtise et le roi lui tapa la main sur l’épaule d’un air compatissant avant de prendre congés.

Dans le grand cimetière d’Hyperborea, celui où reposaient d’anciennes civilisations, tous les animaux s’étaient éloignés pour laisser les derniers fantômes sortirent de leur tombe. Des formes floues flottaient au-dessus du sol et d’étranges lumières scintillaient à travers la brume. Un bruit de vent agrémenté d’un son proche de celui d’une flûte exotique achevait la mise en place d’une ambiance effrayante bien qu’envoutante par certains aspects.

Les deux guerriers, le roi, la princesse et le vieux sorcier étaient assis tous les cinq dans une petite salle du château pour faire le point avant la grande bataille.
« Tout cela ne poserait aucun problème si nous avions une armée plus puissante, se plaignit Hercule.
– Je ne sais pas ce qu’il te faut, s’offusqua le roi, c’est quand même de l’armée royale dont tu parles!
– Tout cela n’aurait posé aucun problème si tu n’avais pas renversé de la poudre de résurrection sur la tombe d’un ancien roi, lança Phileas à l’intention d’Hercule.
– C’est pas ma faute, je croyais que c’était la poudre de téléportation. Damien range mal ses affaires, c’est à lui qu’il faut s’en prendre! fit Hercule en pointant le sorcier du doigt.
– Trois choses, rétorqua l’intéressé. D’abord on ne pointe pas du doigt, ensuite tu n’avais pas à fouiller dans mes affaires pendant mon absence et enfin qu’est ce que tu foutais dans le cimetière des anciens?
– Ben déjà pourquoi tu étais absent? se défendit Hercule. Tu étais encore en salle de détente avec des dames?
– Cela ne te regarde pas! rugit Damien en rougissant. Réponds à ma question: qu’est ce que tu foutais dans le cimetière des anciens?
– Tu devrais le savoir, je croyais que tu apprenais à lire dans les pensées…
– C’est un tout nouveau pouvoir que je commence à peine à maîtriser. Qu’est ce que tu foutais dans le cimetière des anciens?
– Ben j’avais fait un pari avec Phileas. Le défi était de s’y rendre et de ramener une preuve. Je sais bien qu’on s’y perd facilement, c’est pour ça que j’ai mis trois jours pour rentrer.
– C’est pour ça que tu ressemblais à un vagabond en arrivant ce matin, fit remarquer la princesse Diane et c’est aussi pour ça que les gardes n’ont pas voulu te laisser rentrer tout de suite.
– Oui, reprit Hercule, ils m’ont demandé de me déshabiller pour voir si j’avais toujours mes croûtes de psoriasis sur les fesses, histoire d’être sûr que c’était bien moi. Mais en partant du château, je me disais que c’était pas grave pour le retour puisque je pensais avoir pris de la poudre de téléportation.
– Et tu t’étais trompé, reprit Damien. Quand on ne sait pas lire une étiquette, on ne touche à rien et on reste chez soi.
– Quand on ne sait pas mettre les choses à la même place, fit Hercule, on s’abstient d’avoir des produits dangereux dans son atelier.
– Arrêtez! s’emporta le roi. On dirait deux gosses. Hercule, rappelle-moi la preuve que tu as cru bon de ramener de ton périple.
– Heu… le diamant incrusté sur la tombe de l’ancien roi.
– C’est vrai? s’extasia la princesse Diane en s’avançant vers son compagnon. Papa ne m’avait rien dit!
– Oui, lança Hercule. Je comptais te l’offrir prochainement ma chérie.
– T’es un amour! gazouilla la jeune fille comme une dinde. Au fait, tu nous as parlé de l’épreuve de ton pari, mais quel était l’enjeu?
– Heu… marmonna Hercule embarrassé. T’occupe!
– Quoi? fit-elle. De l’argent ? C’est ça?
– Absolument, répondit Phileas brutalement.
– Mais non! Qu’est ce que tu racontes? demanda Hercule.
– C’était pour de l’argent voyons, insista Phileas en clignant de l’œil, tu es con ou quoi?
– Ha oui? Je suis con? Puisque c’est comme ça, je dis tout. Diane, si je perdais, je devais prendre une culotte dans ton panier de linge sale et l’offrir à Phileas.
– Enfoiré! rugit Phileas au moment où Diane les prenait tous les deux par la nuque en les pinçant de toutes ses forces.
– Cessez immédiatement, tonna le roi. Hercule si je comprends bien, en voyant que la poudre ne te ramenait pas au château, tu l’as balancée sur la tombe d’un ancien roi et sur les tombes alentours, celles qui soi-disant contiennent chacune les cendres de plusieurs centaines de soldats, c’est bien ça? Et tu n’as pas cherché à savoir ce que c’était comme type de poudre? Quelle gaffe mon garçon! Oh, ne baisse pas la tête, ça ne sert à rien. En trois jours, l’ancien roi et ses hommes auront probablement fini de se réveiller et à l’heure qu’il est, j’imagine qu’ils sont en route pour le château, n’est ce pas Damien?
– Hum… répondit le sorcier. C’est tout à fait ça Sire. La poudre met environ trois jours pour matérialiser les spectres dans notre dimension. La connexion avec l’au-delà n’est heureusement pas instantanée sinon ils seraient arrivés bien avant Hercule.
– Il faut donc être prêts aujourd’hui à repousser une attaque fantôme, reprit le roi. On va s’amuser tiens!
– Et si les fantômes n’étaient pas hostiles? demanda la princesse Diane.
– Et si tu allais dans ta chambre? » demanda le roi en frappant dans ses mains.
Aussitôt, deux gardes à forte carrure prirent la princesse par les aisselles et la conduisirent de force dans ses appartements tandis que les quatre hommes restés à la table se bouchaient les oreilles pour se protéger des cris stridents de fille capricieuse qui retentissaient dans toute la pièce.

Hyperborea: La fleur de cactus (Scorpions surprise)

Épisode neuf: La fleur de cactus

Chapitre quatre: Scorpions surprise

« Qu’est ce qui s’est passé? demanda Rariba en se grattant le front.
– Tu es tombé sur un requin et on t’a prise à bord, répondit Phileas.
– Mon héros! cria la jeune fille en se jetant au cou du barbu.
– Heu… Du calme, fit celui-ci gêné.
– Ha! Ha! fit Hercule qui suivait la scène en remettant sa savate.
– Qu’est ce qui vous fait rire, pauvre type, s’insurgea la jeune fille. J’ai le droit d’être amoureuse non?
– C’est pas ça, répondit l’élu de la prophétie, c’est ton bouton là, c’est un rien moche!
– Amoureuse, répéta Phileas en rougissant, c’est bien beau mais tu es peut-être un peu jeune quand même. On en reparlera dans quelques années.
– De toute façon, cet abruti m’a dit que j’étais moche, je vais rentrer chez moi.
– Attends, s’alarma Phileas, on a besoin de toi pour trouver la fleur de cactus.
– Alors c’est pour vous servir de moi que vous m’avez sauvée? s’affola la gamine.
– Mais non! répondit le barbu. C’est pas que pour ça!
– Ben si, intervint Hercule. On avait dit qu’on devait revenir la chercher pour qu’elle nous guide.
– Mais tais-toi, s’emporta Phileas.
– Le cactus que vous cherchez pousse derrière les dunes qui entourent le trou par où la chenille a surgit, dit Rariba d’une seul traite. Maintenant ramenez-moi où vous m’avez trouvée, je n’ai plus rien à vous dire.
– Tu es vexée? demanda Phileas en avançant d’un pas.
– Oui, répondit la jeune fille en reculant d’un pas.
– Quand vous aurez fini votre petite scène de ménage, vous vous rendrez peut-être compte qu’on s’éloigne à nouveau de la rive, remarqua Hercule.
– C’est vrai, dit Phileas, les voiles sont détruites. Il faut descendre ramer. Hercule vient! On se met un de chaque côté. »

La fine équipe atteignit le rivage rapidement. Les trois jeunes gens montèrent un long chemin qui les ramena au bout de quelques heures vers le désert de Toby.
« Tu vas faire la tête longtemps? demanda Phileas à Rariba qui n’avait pas ouvert la bouche depuis leur arrivée dans la mer de sable.
– Te fatigue pas, lança Hercule. Avec Diane c’est pareil. Quand elle boude, tu peux lui offrir des fleurs ou lui raconter l’histoire de fesse la plus drôle qui soit, elle ne réagira pas.
– C’est pas pareil, répondit Phileas. Diane est une femme adulte que tu aimes et Rariba n’est qu’une gamine que nous venons de rencontrer. »
La jeune fille s’immobilisa, gifla Phileas et se remit à marcher.
« Qu’est ce que j’ai dit? fit le barbu. Qu’est ce que j’ai dit?
– Laisse tomber, lui confia Hercule en lui posant la main sur l’épaule, c’est déjà presque une femme avec toute la bêtise que ça implique. »
Rariba se retourna et gifla Hercule à son tour qui demanda lui aussi ce qu’il avait dit.

Après une longue marche en plein soleil, les trois amis arrivèrent derrière les dunes où Rariba leur fit ses adieux.
« Vous ne m’embrassez pas? demanda-t-elle a Phileas pendant que le perfide Hercule s’écrasait un morceau d’araignée rouge sur le front pour se moquer d’elle.
– Heu… Si! répondit le barbu en lui faisant une bise sur chaque joue.
– Et c’est tout? dit-elle
– Comment ça? demanda Phileas.
– Pauvre type! »
La jeune fille tourna les talons et s’en repartit chez elle où son père, ayant consommé la gouvernante jusqu’à plus soif, l’attendait sur le pas de la porte pour lui mettre sa raclée du soir.

Les deux guerriers prélevèrent un échantillon du grand cactus qui donnait de si jolies fleurs et se firent attaquer par une horde de scorpions réputés pour s’en prendre à tous ceux qui posent un pied derrière les dunes.
« Elle aurait pu nous prévenir! fit remarquer Hercule en cavalant comme un beau diable.
– A mon avis, elle l’a fait exprès…» répondit Phileas en exterminant quelques bêtes à coups de hache.

Au campement, Rariba pouffait sous cape de sa bonne farce entre deux coups de bâton que lui administrait son père pour s’ouvrir l’appétit. Lorsqu’elle eut perdu connaissance, le sale bonhomme la fouilla, fit cuire le serpent rouge qu’il mangea seul et jeta un pichet d’eau fraiche au visage de sa fille histoire de la réanimer. Il faisait toujours ça pour pouvoir la battre une seconde fois en guise d’activité digestive.

« Mais c’est dégueulasse! s’exclama le roi Ernest en recrachant le morceau de gâteau qu’il venait d’introduire dans sa bouche. Damien, fais-moi disparaître cette immondice et qu’on me serve un fraisier à la crème avec le nombre de bougies réglementaire! »
Le sorcier claqua des doigts et le gâteau à la fleur de cactus disparut en fumée sous le regard consterné de nos deux héros. De son côté, le cuisinier repartit en cuisine et revint avec le dessert exigé ainsi qu’avec une cagoule en laine pour amortir la gifle que le roi ne manquerait pas de lui administrer.
« Tu ne manges pas ta part de gâteau? demanda Hercule en léchant son assiette. Remarque je te comprends, ce que le roi nous a fait faire est dégoûtant. Tout ça pour rien…
– Non, c’est pas ça…
– Tu penses à la fille?
– Vas-y, parles plus fort pendant que tu y es. Je te signale qu’il s’agit d’une adolescente.
– TU PENSES A LA FILLE? » hurla Hercule debout sur sa chaise.
Phileas y donna un grand coup de pied ce qui fit tomber son camarde avec fracas sur le sol en pierres de la salle à manger.

Au campement du désert de Toby, Rariba arrachait un par un les poils de barbe d’un esclave au service de son père en récitant bêtement:

« Il m’aime… un peu… beaucoup… passionnément… »

Hyperborea: La fleur de cactus (Perdus en mer)

Épisode neuf: La fleur de cactus

Chapitre trois: Perdus en mer

« Tu nages bien, commenta Hercule.
– Et toi tu imites très bien le chien, répondit Phileas.
– Je ne me suis pas baigné depuis longtemps. J’ai oublié jusqu’à la brasse, te moque pas!
– Hercule!
– Quoi?
– Tu ne remarques rien?
– A part qu’il fait de plus en plus sombre et à part ton apparence grotesque due à tes cheveux mouillés, non.
– Imbécile, on descend!
– Pardon?
– Je dis que cette galerie est en pente et que… ha! »
Le guerrier roux n’eut pas le temps de finir sa phrase. Il fut entraîné avec son compagnon dans un véritable toboggan aquatique où il fallait retenir sa respiration. L’obscurité devint totale et les envoyés du roi furent aussi malmenés que des poussières dans un tuyau d’aspirateur. Hercule ripa contre la paroi de la galerie et poussa un petit cri chétif, mais le son qui sorti de sa bouche fut déformé par l’eau et on l’aurait juré qu’une fillette gémissait dans son sommeil. Au bout d’une bonne minute en apnée, la lumière salvatrice réapparut. Comme des bouchons de champagne, nos amis furent propulsés par une ouverture creusée sur la façade d’une falaise et tombèrent en chute libre dans le vide.
« Cette fois c’est fini! hurla Hercule. Adieu mon vieil ami. Tu diras à Diane que je l’aimais et qu’elle prépare très bien les cupcakes au chocolat.
– Triple buse, je tombe aussi, répondit l’autre. Si cette chute sera fatale pour toi, elle le sera aussi pour moi. Réfléchis! »
Nos deux voyageurs du désert se retrouvèrent en pleine mer après ce dialogue fulgurant. Phileas fut le premier à reprendre ses esprits et demanda à son compagnon s’il allait bien. Celui-ci ne répondit pas, mais cracha une grande quantité d’eau de mer au visage du guerrier roux et partit d’un grand rire qui effraya une mouette tandis que Phileas le traitait d’abruti.
« C’est du caca! s’insurgea l’élu de la prophétie en raclant du revers de la main une substance blanche et chaude propulsée par le volatile.
– Mais non, répondit Phileas.
-Alors c’est quoi?
– De la fiente. »
Les aventuriers tentèrent de nager vers la rive, mais un fort courant les en éloignait de plus en plus. Hercule commença à paniquer et perdit connaissance. Phileas ferma les yeux une seconde et s’imagina être dans son lit en train de manger du gâteau à la carotte, mais la souffrance fut telle quand il les rouvrit qu’il se jura de ne plus recommencer.

Chez les chenilles, Rariba avait fini par se réveiller et s’était recroquevillée en voyant à quelle hauteur elle se trouvait, mais elle se ravisa en constatant qu’ici au moins, les chenilles ne pourraient pas lui faire de mal car elles étaient trop grosses pour la rejoindre sur une plate-forme aussi petite. Elle aperçut la sandale d’Hercule un peu plus loin et comprit que ses nouveaux amis avaient emprunté le conduit d’eau creusé dans la roche. Elle décida de les rejoindre et repensa au torse de Phileas et à ses grands bras protecteurs pour se donner du courage. Du coup son visage rougit comme un coquelicot et un drôle d’insecte couvert de poils verts l’ayant prise pour une fleur sauvage la piqua au front assez violemment.

« C’est pas moi! J’ai rien fait! cria Hercule en se réveillant.
– Fait quoi? demanda Phileas qui lui tournait le dos assis à quelques mètres.
– Rien du tout justement et d’abord enlevez-moi cette vilaine torche de devant mon visage!
– Tu débloques bonhomme. Tu dormais sur le dos. Il est midi, tu as simplement le soleil dans la gueule depuis tout à l’heure et tu as fait un cauchemar, c’est tout.
– Pardon, je me croyais livré à la police. Mais où sommes-nous?
– Sur un radeau perdu en pleine mer, répondit le barbu. Tu t’es évanoui. J’ai dû plonger pour te repêcher et en te remontant je me suis cogné à cette grande planche de bois sur laquelle nous sommes encore. Tiens attrape donc ce bâton qui passe devant toi, il nous servira de rame. »
L’élu de la prophétie s’exécuta et constata avec horreur que le rivage n’était même plus visible.
« Le courant nous a complètement éloigné, expliqua Phileas. Donne-moi le bâton, je vais essayer de me fier à la position du soleil pour ramer dans le bon sens. »

Rariba, continuait à nager en se grattant le front de temps à autres. Lorsqu’elle se retrouva entraînée comme les envoyés du roi quelques heures avant, elle adopta d’impressionnantes figures géométriques dans l’espoir de vaincre le courant, mais évidemment il ne se passa rien et elle se cogna à plusieurs reprises contre les parois du conduit. Elle se dit qu’on ne l’y reprendrait plus et attendit en position de fœtus en retenant sa respiration.

« Une île! lança Hercule en plongeant du radeau.
– Reviens! cria Phileas.
– Je prends à manger et je reviens. »
Hercule nagea comme un petit chien jusqu’à une proéminence de sable sur lequel un arbre avait poussé et grimpa sur le tronc pour cueillir une noix de coco. Il tomba sur le dos suivi du fruit qui se brisa en deux sur son crâne. Phileas leva les yeux au ciel et alla chercher son camarade évanoui.
« Tiens, mange! lui dit-il après l’avoir ramené sur le radeau et réveillé à coup de baffes.
– Et toi? demanda Hercule en saisissant la moitié de noix de coco que Phileas lui tendait.
– J’ai déjà mangé ma part pendant que tu dormais. Maintenant, on s’en va. Rariba est peut-être morte à l’heure qu’il est. »

La jeune fille était sur le point de mourir noyée quand elle arriva au terme de son voyage.
« La lumière, songea-t-elle, je suis sauvée. »

« Hercule! lança le barbu en cessant de ramer.
– Quoi? demanda son compagnon tout en continuant à graver un zizi sur le bois de la planche avec l’écorce de la noix de coco.
– Regarde. Des pirates.
– Mince! On est foutu!
– C’est eux qui sont foutus. A l’abordage! »
Faisant signe à son camarade de le suivre, Phileas sauta sur le bateau qui passait prêt d’eux et lança un regard de défi aux six hommes qui étaient à bord. L’un d’eux, visiblement leur chef avec un bandeau sur l’œil et une jambe de bois, s’approcha du guerrier en ricanant d’un air supérieur. Phileas lui fonça dessus et le renversa par dessus bord tandis que deux autres hommes étaient déjà sur lui. Le barbu en prit un pour taper sur l’autre et les trois qui restaient se mirent à brailler dans une langue que nos amis ne connaissaient pas. Hercule arriva timidement au moment où son compagnon se servait du plus petit des pirates comme d’une boule de bowling sur deux grands nigauds qui tombèrent à la mer. Il regarda Phileas jeter à l’eau les corps évanouis qui restaient sur le pont et prit la parole pour dire qu’il avait très soif.
« Tu l’auras méritée ta boisson pauvre lâche, marmonna Phileas en s’emparant d’une gourde posée dans la cabine du navire.
– Donne! » s’insurgea Hercule en voyant l’autre boire sans s’arrêter pendant dix bonnes secondes.
Peu de temps après, les deux amis arrivèrent prêt de la côte et reconnurent la falaise d’où ils étaient tombés. Ils cherchaient un moyen de remonter jusqu’au désert de Toby quand un requin gigantesque surgit des flots et pulvérisa le mat du bateau. Plus blanc que jamais, Hercule se coucha sur le ventre et attendit la mort.
« Relève toi et aide-moi un peu, pauvre couard! » hurla Phileas en brandissant une rame vers le monstre.
Terrassé par la peur, Hercule agitait les bras en signe d’impuissance et remuait les lèvres sans pouvoir émettre le moindre son, ce qui augmenta le courroux de Phileas d’une manière considérable. Le requin bondit vers nos amis au moment où Rariba fut expulsée de la falaise comme une crotte du derrière d’un lièvre sauvage. La jeune fille tomba violemment sur le crâne du poisson carnassier qui perdit connaissance.

Hyperborea: La fleur de cactus (Le repère des chenilles)

Épisode neuf: La fleur de cactus

Chapitre deux: Le repère des chenilles

Nos amis arrivèrent dans une grotte souterraine où plusieurs chenilles rampaient sans leur prêter attention. Une lumière rosâtre filtrait à travers l’ouverture que d’étranges plantes obstruaient en partie tandis qu’une odeur de souffre plutôt déplaisante envahissait les lieux.
« Elles ne nous considèrent pas du tout, constata Phileas.
– Peut-être qu’elles ne mangent que les filles, dit Hercule en caressant un bébé chenille qui rampait à ses pieds.
– Laisse ça tranquille malheureux! Si les parents te voient, tu es fichu!
– Tu dis ça parce que tu es jaloux, tu aimerais bien jouer avec n’est ce pas?
– Cesse de dire des sottises et regarde un peu. »
La jeune Rariba était étendue sans connaissance sur le dos d’une chenille géante qui rampait vers une galerie souterraine en se dandinant de façon burlesque, ce qui fit rire Hercule à voix haute.
« Tais-toi! rugit son coéquipier. Il faut la récupérer coûte que coûte sinon c’est reparti pour des heures de marche en plein désert.
– Ok, fit Hercule en se mettant sur le ventre les bras le long du corps et en rampant comme une larve.
– Qu’est ce que tu fous? demanda Phileas avec dégoût.
– Je me fonds dans la masse, j’essaye de ne pas me faire remarquer. Fais comme moi.
– T’es pas un peu malade? »
Phileas était furieux, mais en voyant son compagnon ramper à loisir parmi les chenilles sans se faire voir, il dut se résoudre à l’imiter et se mit lui aussi à plat ventre en se demandant ce qu’en penserait sa femme si elle le voyait dans cette position. Prenant alors conscience qu’il était célibataire, le barbu pouffa en silence et rampa fièrement d’un air supérieur au milieu des bêtes. Au bout d’un moment, plus personne ne put avancer dans la galerie principale et nos amis bifurquèrent dans une galerie secondaire.
« Tu ne crois pas qu’on pourrait se relever? demanda Hercule. Nous sommes seuls ici. »
Les deux guerriers rampèrent encore quelques instants les bras le long du corps, le temps que Phileas comprenne le sens de la question et ils restèrent sans bouger un moment pour se relever précipitamment en regardant chacun dans une direction différente.
« Tu vois cette architecture, lança Phileas toujours en tournant le dos, c’est fascinant comme elles arrivent à creuser de tels passages.
– En effet, ces chenilles géantes sont de vrais maçons, compléta Hercule en ricanant. Elles font bien avancer les choses, et pas seulement à plat ventre.
– Bon ça va, c’était ton idée à la base! »
Un cri interrompit le passionnant dialogue de nos héros qui se précipitèrent vers la galerie principale. Phileas se mit à courir tandis qu’Hercule se jeta à plat ventre.
« Qu’est ce que tu fais encore? demanda le barbu.
– Il faut ramper, c’est la loi! répondit son compagnon.
– On n’a pas le temps, elle est peut-être en train de se faire bouffer.
– M’en fous!
– Mais elle va y passer voyons, relève-toi! »
Phileas ponctua sa phrase d’un violent coup de pied dans le postérieur d’Hercule qui finit par se tenir correctement.

Ils arrivèrent dans la galerie principale où les chenilles se tenaient en équilibre le unes sur les autres afin de faire grimper Rariba jusqu’à une sorte de proéminence taillée naturellement au sommet d’une paroi.
« Tu as vu? demanda Phileas. Quelle coordination! Elles ont dû faire quelques essais avant de parvenir à un tel tour de force, d’où la cohue de tout à l’heure. Ce qui m’inquiète, c’est ce truc tout en haut. On dirait un hôtel sacré ou quelque chose dans ce genre là. Ces animaux sont bien plus intelligents que je ne le pensais. Je préfère ne pas savoir jusqu’où va leur capacité de raisonnement.
– J’écoute pas ce que tu dis, répondit Hercule, j’ai faim.
– Tu mériterais que je t’envoie valser sur celle d’en bas pour que toutes les chenilles te tombent sur la gueule comme les étages d’une tour qui s’écroule. »
Hercule éclata d’un formidable rire qui attira l’attention des insectes. Une fois de plus, Phileas se promit de mettre plein de choses sales dans le lit d’Hercule s’ils rentraient vivants au château. Le barbu prit son coéquipier par la main qui l’accusa aussitôt d’être de la jaquette et sauta de chenille en chenille en prenant appui sur les différentes parties de corps accessibles jusqu’à l’hôtel où reposait la jeune fille. Une fois le but atteint, il lâcha Hercule qui faillit tomber à la renverse, mais se rattrapa en voyant les cinquante bon mètres qui le séparaient du sol et prit Rariba sur son dos.
« Regarde, dit-il à son camarade, une source d’eau derrière l’hôtel. Nous sommes près d’une nappe phréatique. Il y a un conduit d’eau avec du courant qui mène je ne sais où. Nageons, les chenilles ne pourront pas nous suivre!
– Attends! Qu’est ce qu’on fait de la fille?
– Laissons là ici. A cette hauteur, elle ne risque rien, les chenilles ne peuvent pas l’atteindre. Nous reviendront la chercher plus tard avec des secours s’il le faut.
– Il fait noir et j’ai horreur des bains, se lamenta Hercule en perdant une des sandales qu’il portait ce jour-là.
– Et moi, j’ai horreur de ta tête, mais je fais avec. » rétorqua Phileas en entamant un crawl terrible. Et d’abord estime-toi heureux d’avoir de l’eau, c’est ce qu’on voulait tout à l’heure. Maintenant tais-toi! »

Hyperborea: La fleur de cactus (Une gamine en plein désert)

Épisode neuf: La fleur de cactus

Résumé de l’épisode précédent: Nos amis ont été envoyés en pleine forêt par le roi qui les a finalement rejoints pour arrêter le gang des Licornes, mais les bandits ont cessé de faire le mal car ils sont en deuil d’une horde de petits singes. De son côté, Ted le crapaud est mort et c’est tant pis pour lui.

Chapitre un: Une gamine en plein désert

« Cela fait bien trois jours que nous n’avons pas mangé, se lamenta Phileas en tirant la langue.
– Oui, répondit Hercule en marchant les yeux fermés, heureusement qu’on a de l’eau.
– A propos, passe-moi la gourde » demanda son camarde.
Hercule s’exécuta, mais Phileas s’aperçut en la secouant qu’elle était complètement vide. La mort dans l’âme, les deux guerriers reprirent leur marche à travers le désert de Toby où le roi les avait envoyés pour prélever une fleur de cactus très rare, mais indispensable à la recette d’un gâteau qu’il se réjouissait de consommer pour ses soixante-quinze ans.

Un peu plus loin dans un campement local, un père enturbanné envoyait sa fille chercher du serpent rouge pour le diner, ce fameux reptile couleur de brique riche en protéines qui a la particularité de siffler une petite mélodie pop quand il prend peur. La gamine, âgée d’à peine dix-huit ans, trainait la patte en soupirant. Elle savait que son père, bien que prétextant certaines responsabilités le retenant au campement, profitait de l’absence de son épouse pratiquante partie en pèlerinage dans un village voisin pour tromper celle-ci avec la gouvernante, une femme de couleur à forte poitrine et aux lèvres peintes qui ne laissait personne indifférent dans les repas de famille.

Sa fille parcourait le désert un gourdin à la main quand elle vit quelque chose bouger derrière une dune. Ni une ni deux, elle frappa ce qu’elle vit de toutes ses forces, mais contre toute attente, Hercule hurla et se retourna en se frottant le crâne assis sur le sable.
« On ne peut plus mourir en paix? se plaignit le guerrier meurtri en se relevant.
– Comédien! lança Phileas qui était assis un peu plus loin.
– Je suis désolé mais j’étais tranquillement en train de mourir de chaud, insista Hercule, je n’ai pas demandé à ce qu’on abrège mes souffrances par un coup de gourdin.
– Pardon, fit la gamine, c’est votre turban rouge sur la tête, je vous avais pris pour un serpent.
– Il y a des serpents rouges par ici? s’étonna Hercule.
– Oui, répondit Phileas, j’en vois un sur ta jambe.
– Ha! » gémit Hercule en courant dans tous les sens.
La jeune fille ramassa le serpent qui était tombé sur le sol depuis un moment et l’étrangla sans plus de manière. La petite mélodie pop s’arrêta comme elle avait commencé et l’adolescente rangea le cadavre sur elle.
« Vous n’êtes pas d’ici? demanda-t-elle à Phileas qu’elle fixait d’une manière insistante depuis un moment.
– Heu… Non, répondit celui-ci en reculant d’un pas.
– Que venez-vous faire dans la région? fit la jeune fille en se rapprochant d’un pas.
– Du tourisme. Enfin… Non. On cherche une plante rare, un cactus en fait et…
– Et je peux vous servir de guide si vous voulez. Encore faut-il que votre ami veuille bien cesser ses jérémiades car mêmes les cactus vont finir par se cacher sous le sable s’il continue à hurler de la sorte. »
La gamine se mit à rire avec élégance et Phileas la rejoignit en braillant comme un porc. Ils s’arrêtèrent en même temps et Phileas, gêné, toussa d’un coup sec.
« Tu peux nous accompagner si tu veux, on cherche ça dit-il en montrant un papier avec le nom du cactus et un dessin explicatif fait par le cuisinier du château.
– D’accord dit la jeune fille. C’est chouette d’aider un bel homme comme vous. Demain j’irai le raconter à toutes mes petites camarades. Au fait moi, c’est Rariba.
– Heu… Oui c’est bien. Moi c’est Phileas et lui là-bas, c’est Hercule. D’ailleurs je vais l’appeler pour qu’il se joigne à la conversation. Hercule! Cesse de faire le pitre et viens voir un peu, je vais te présenter notre nouvelle partenaire! »
C’est à cet instant qu’une chenille géante surgit du sable et emporta Rariba dans son terrier.
« Pourquoi tu m’appelles? demanda Hercule qui s’était calmé. Tu vois bien qu’elle est partie!
– Non pas vraiment. Elle a été happée dans ce trou, répondit Phileas en désignant le terrier.
– On s’en fout!
– Non, elle sait où on peut trouver le cactus qu’on cherche. J’ai peur qu’elle me colle un peu si on la sauve, mais on a besoin d’elle.
– Alors on y va! » conclut Hercule en sautant à pieds joints dans l’interstice où la jeune fille avait disparu.