Hyperborea: Guerre de clans (Le sommeil du jarre)

Épisode cinq: Guerre de clans

Résumé des épisodes précédents: Hercule et Phileas ont fait appel à des créatures suceuses de pierre dont la salive est grise pour repeindre les murs du château.

Chapitre un: Le sommeil du jarre

« Non! lança sèchement Hercule. Je suis sûr qu’on ne peut pas avoir un orgasme et éternuer en même temps. C’est scientifiquement impossible.
-Il me semblait que Damien avait dit le contraire, rétorqua la princesse Diane en se tamponnant les narines de son mouchoir de soie.
-Damien a dit qu’il connaissait un sortilège aphrodisiaque qui changeait les éternuements en orgasme, mais les cobayes sont tous morts de crise cardiaque cet hiver.
-Dommage…
-Avale donc une bonne tisane et remettons cette séance à plus tard.
-Atchoum! » conclut la princesse en récupérant sa chemise de nuit.

Le couple venait à peine de fermer les yeux quand la sonnerie du tocsin les ramena à la réalité. La porte s’ouvrit brutalement.
« On agresse le roi! les informa un garde.
-Que fait l’équipe de nuit? s’indigna Hercule. »
Le garde fit non de la tête. Ce qui signifiait que l’équipe n’était plus ou bien qu’il devenait complètement gâteux. Hercule opta pour la première option et saisit son épée avant de suivre le garde. La princesse s’enfonça sous les couvertures et pria pour la vie de son père.

« Te voilà! lança Phileas en voyant arriver son coéquipier.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé? demanda Hercule tandis que le garde rejoignait ses collègues.
-Un jarre sauvage a réussi à péter la fenêtre du roi.
-La vache!
-Il l’a roué de coups de bec jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
-Ces animaux sont répugnants!
-Un bandit est ensuite rentré par la fenêtre, les mains pleines de sang. Apparemment, c’est lui qui aurait décimé l’équipe de nuit.
-Comment tu sais ça?
-Parce que je suis arrivé à ce moment là. Tu sais bien que je suis somnambule. Les caquètements mêlés aux cris du roi m’ont tiré de mon sommeil au moment où je passais devant la porte de sa chambre. J’ai alors surpris la bête en train de violenter le pauvre Ernest. J’allais intervenir quand le bandit est apparu.
-Où est-il?
-Là… »
Phileas désigna un monticule de viande couvert de mouches et s’empressa d’essuyer son arme couverte de sang.
« C’est bien joli de jouer de la hache, reprit Hercule, mais qu’est-ce qu’il voulait?
-Il a eut le temps de marmonner quelques confidences avant de rendre l’âme.
-Du genre?
-Il a dit qu’il était envoyé par le Seigneur Noir qui lui-même voulait renverser le roi et que le sommeil du jarre était un avertissement.
-Le sommeil du jarre?
-Oui. Après quelques baffes, il a avoué que le seul remède pour réveiller le roi était le pollen de chrisenchante.
-De chrisenquoi?
-C’est une plante qui pousse dans les montagnes d’une contrée voisine. Le bec du jarre dont j’ai d’ailleurs coupé la tête était enduit d’un poison puissant qui plonge la victime dans un profond coma. Seul le pollen de chrisenchante peut le sauver.
-Ce Seigneur Noir est une belle saloperie! s’enflamma Hercule. Je suis sûr qu’il sent fort sous les bras.
-Et qu’il a des poils dans les oreilles, rajouta Phileas.
-Et qu’il ne tire jamais la chasse d’eau » conclut un garde taquin.
Les guerriers partirent d’un grand rire et reprirent leur sérieux en voyant le roi étendu sur le sol.

Hyperborea: Séance de peinture (Le repère des hiboux)

Épisode quatre: Séance de peinture

Chapitre quatre: Le repère des hiboux

Plongé dans la sphère nocturne, le repère des hiboux ressemblait à un wagon de train perché dans les arbres et gardé par des espèces de Paul Presbois flapis. La ressemblance entre les gardes et le comédien était aussi forte que leur état de béatitude et tout le monde attendait que la sphère s’en aille pour que les forces reviennent. Incapable de voler, Maître Hibou lui-même emprunta l’échelle destinée aux visiteurs avec le reste de l’équipe.
« Attendez-moi ici, annonça-t-il quand ils furent devant la porte, je vais chercher la marchandise. Combien en voulez-vous?
-Une douzaine, répondit Hercule.
-Tout le reste, compléta un Garou.
-Le reste de quoi? demanda Maître Hibou.
-Le reste des pipoils, banane! se moqua l’autre Garou.
-Mais j’ai fait l’inventaire ce matin, nous en avons une bonne centaine en réserve en ce moment. Vous n’allez pas manger tout ça?
-Ben si!
-Écoutez, je vous en apporte quelques uns et vous arrêtez quand vous n’avez plus faim. D’accord?
-On arrête quand ’y en a plus, répondit un Garou tandis que l’autre, affamé avait déjà dévoré un Paul Presbois en attendant les pipoils.
-Parlons d’abord du prix, dit Phileas.
-Ça suffit! rugirent les Garous. On veut pas de prix, on veut des pipoils! C’est où? »
N’attendant aucune réponse, ils renversèrent les meubles et firent voler les portes en morceaux.

A ce moment, la sphère nocturne disparut et les Garous laissèrent la place à deux lutins chétifs aux yeux larmoyants que Maître Hibou s’empressa d’engloutir.
« J’adore ça, confia-t-il, surtout quand ils ont leur petit bonnet en tissu vert, ça donne un goût de salade et ça facilite le transit intestinal. »
Hercule et Phileas s’interrogèrent mutuellement du regard. Pouvaient-ils réellement faire confiance à un marchand qui venait de s’enfiler deux lutins sous leurs yeux? Maître Hibou s’éloigna, tout content de pouvoir voler à nouveau, et revint avec deux de ses congénères et surtout avec la marchandise.
« Alors, annonça-t-il. Cinq écus la pièce, ça nous fera douze fois cinq, soixante écus à payer en une fois. »
Phileas régla la somme et la récupéra après avoir tranché la tête du hibou.
« Pourquoi tu l’as pas tué tout de suite? demanda Hercule.
-Pour voir la lueur dans ses yeux passer de la joie de s’être enrichi à l’angoisse de voir sa vie menacée.
-Je comprends rien. On rentre. »

Les deux guerriers massacrèrent les autres volatils qui leur barraient le passage et Phileas descendit le premier. Hercule lui jetait les pipoils un par un du haut de l’arbre à hibou tandis que le barbu les attachait entre eux avec une corde. Soudain, les pipoils n’arrivèrent plus.
« Réveille-toi, lança Phileas, c’est pas les vacances! »
Pour toute réponse, Hercule hurla tel un goret anxieux passé au micro-onde. Phileas releva la tête et aperçut son coéquipier aux prises avec un hibou estropié qui avait survécu à l’assaut.
« Dégaine ton épée, tafiotte! hurla le barbu à l’intention de la victime.
-J’aimerais bien, répondit Hercule, mais le volatil m’empêche de bouger et il est bigrement tenace.
-Lâche une caisse, proposa le barbu.
-Je t’ai déjà dit que c’était pas sur commande!
-Bon, amuse-toi tout seul, ta grenouille t’attend là où tu l’as laissée. Moi, je rentre avec les pipoils que tu m’as lancés et je te laisse t’occuper du reste. Ciao! »

Le hibou estropié parvint à plaquer au sol le pauvre Hercule qui récita la seule formule magique que Damien ne lui eut jamais enseignée. Aussitôt, son agresseur plongea dans un profond sommeil et le futur gendre du roi ne mit pas moins de trois bonnes heures avant de pouvoir se dégager du corps endormi.
« Par mes aisselles suintantes, se dit le frêle guerrier, une minute de plus et cette vieille carcasse allait m’étouffer. »
Étant seul, Hercule n’eut pas d’autre solution que de jeter les pipoils restants du haut de l’arbre, lesquels s’écrasèrent sur le sol comme des fientes. Deux d’entre eux se vidèrent sur le sol de leur liquide grisâtre et le guerrier plaça les autres sur le dos de sa grenouille qui frisa le souffle au cœur durant le trajet.
En arrivant au château, il surprit Phileas en train de se lécher les doigts.
« T’es… t’es là? balbutia celui-ci. Le roi Ernest nous avait fait préparer un poulet rôti chacun pour nous récompenser, mais comme je te voyais pas arriver…
-T’as bouffé le mien?
-Heu… »
Phileas enchaîna sur un rôt sonore au parfum prononcé qui ne laissait aucun doute sur ses origines.

Le lendemain, les travaux commencèrent et le château recouvert par endroits de créatures duveteuses ressemblait de loin à un décor glamour imaginaire duquel s’échappaient des bruits de langue visqueux à vous donner la chaire de poule.

Au repère des hiboux, on préparait minutieusement les représailles…

Hyperborea: Séance de peinture (Les éleveurs de pipoil)

Épisode quatre: Séance de peinture

Chapitre trois: Les éleveurs de pipoil

« C’est regrettable… » se lamenta Maître Hibou en observant la fine équipe dans l’eau de voyance limpide de son bassin en marbre.
Maître Hibou (rien à voir avec son homonyme littéraire) était l’un des cerveaux les plus éclairés de la contrée d’Hyperborea et se trouvait par ailleurs à la tête d’une peuplade de volatiles humanoïdes éleveurs de pipoils. Celui dont le patronyme évoquait les comtes pour enfants secoua ses plumes et prit son envol vers la sphère nocturne.

« Regardez! lança Hercule en pointant du doigt un buisson aux fruits rouges.
-Quoi? demanda Phileas. T’as vu un pipoil?
-Non, mais ce qui pend au buisson a exactement le même goût que la salade de fraise au jus d’ananas.
-T’es con! s’énerva le barbu. On cherche des pipoils, on n’a pas beaucoup de temps et tu penses encore à bouffer. »
A ce moment, une créature duveteuse sortit de derrière le buisson et fixa les cinq individus.
« Un pi… un pipoil! bégaya Phileas alors que l’animal prenait la poudre d’escampette.
-Il faut le rattraper! dit Hercule en se grattant les aisselles.
-Dis-donc, répondit Phileas, vas-y, toi, au lieu de faire le singe…
-J’y vais! coupa un Garou-Fierrabras en bondissant comme un fauve sur le pipoil qui fut plaqué au sol et écrasé comme un fruit trop mûr tandis qu’une quantité massive de liquide gris se répandait sur le sol. Le sang de l’animal était de la même couleur que sa salive.
-Toute cette bonne peinture qui ne profite à personne! se lamenta Hercule.
-Vous voulez un récipient et une serpillère? demanda le Garou la bouche pleine.
-On voudrait que vous épargniez le prochain, répondit Phileas. »
Le Garou ne répondit pas et termina son pipoil en faisant un bruit de spatule en bois trempée dans de la marmelade à l’abricot.

C’est à ce moment que Maître Hibou fit son entrée en scène. Il s’effondra sur le sol tel un ivrogne et pesta vulgairement contre la sphère noire qui, si elle décuplait la force des Garous, avait l’effet inverse sur lui et ses semblables. Les trois monstres se précipitèrent sur lui pour le mordre et Maître Hibou eut toutes les peines du monde à expliquer qu’il ne se mangeait pas.
« Lâchez-moi, barbares! s’énerva-t-il. J’ai à vous parler!
-On parle pas avec la nourriture, répondirent les Garous, c’est interdit chez nous.
-Mais je ne suis pas de la nourriture, je suis Maître Hibou!
-On n’a rien écouté, on vous dit qu’on parlait pas avec la nourriture. Taisez-vous!
-Mais c’est un monde! »
Les Garous répondirent au dernier argument émis par Maître Hibou avec leurs poings et le vieux sage perdit connaissance.
« Pourquoi vous l’avez assommé? demanda Hercule.
-On a horreur de parler en mangeant. On veut du silence, répondirent les Garous d’un air menaçant.
-Bon! Bon! Je ne dis plus rien! » s’inquiéta le guerrier qui se voyait déjà passé à tabac.
Phileas donna un coup de coude à son coéquipier qui manqua de s’écrouler au sol et lui fit un discret signe de tête qui signifiait:
« Ces créatures sont stupides, il n’y a rien à en tirer. Partons sans plus attendre. »
Mais Hercule, dont la vivacité d’esprit déjà préoccupante était en plus ralentie par la digestion avait compris que le geste signifiait:
« Vas-y! Casse-leur la gueule! La mousse verte recouvrant l’arbre que je te désigne avec ma tête génère une odeur que ces créatures ne peuvent supporter. Ils n’ont aucune chance. »
Ni une, ni deux, Hercule dégaina son épée et sépara le corps d’un Garou en deux parties parfaitement symétriques. Les deux autres s’arrêtèrent de manger, ce qui n’était pas dans leurs habitudes et Phileas calculait combien de secondes il lui faudrait pour exécuter une créature avant que l’autre ne soit sur lui.

A ce stade du récit et pour la bonne compréhension de l’intrigue, il semble indispensable de préciser qu’au même moment, le roi et sa fille disputaient une partie d’échecs endiablée au château tandis que Damien demandait aux cuisiniers de lui faire porter un gâteau au chocolat dans son atelier, soit disant pour réaliser un expérience.

Maître Hibou reprit connaissance au moment où Hercule allait se faire déchiqueter par les Garous.
« Ne faites pas ça! s’enflamma l’érudit. Vous n’avez même pas pris la peine d’écouter ce que j’avais à vous dire, pauvres fous!
-Le piaf se remet à causer! s’emporta l’un des Garous, oubliant pour l’occasion la mort de son congénère.
-Tape-lui dessus, rajouta l’autre en marchant sur le cadavre, il fait des phrases qui donnent mal à la tête, c’est insupportable!
-Il faudrait le faire cuire avant de le manger, reprit le premier, trouvons du bois pour faire un bon feu.
-Le monsieur avec des plumes a peut-être quelque chose d’important à dire… tenta Hercule, trop content de la diversion salvatrice de Maître Hibou pour le laisser mourir.
-De toute façon, il m’a coupé l’appétit, confia un Garou.
-Moi aussi, fit l’autre.
-On vous écoute! » intervint Phileas.
Le vieux maître se releva péniblement, essuya la poussière qu’il avait sur le plumage et toussa pour s’éclaircir la gorge.
« Vite! s’impatienta un Garou.
-Du calme, répondit Maître Hibou, je suis ici pour vendre des pipoils.
-Vraiment? demanda Hercule.
-Et bien… je suis à la tête d’une peuplade éleveuse de pipoils et ma science me permet de savoir que vous en recherchez de manière très active. Cela étant dit, je trouve dommage que vous perdiez votre temps à retourner cette splendide forêt dans tous les sens alors que nous pourrions vous fournir sans problème moyennant finance.
-Qu’est-ce qu’il raconte? demanda une Garou. On ne comprend rien!
-Il faudrait l’assommer, fit l’autre, il dit n’importe quoi pour nous embrouiller.
-Attendez! dit Hercule. Il peut nous aider. Il a des pipoils.
-Ah! firent les Garous. Là, on comprend. Ils sont où?
-Il les apporte si on donne de l’argent, expliqua Hercule.
-Votre prix sera le mien! s’affola Maître Hibou qui voyait les Garous prêts à se jeter sur lui.
-On veut pas de prix, répondirent les monstres, on veut des pipoils.
-Suivez-moi! » lança le maître à plumes à l’intention des guerriers sans prendre en compte la remarque des créatures.

Hyperborea: Séance de peinture (Une nouvelle équipe)

Épisode quatre: Séance de peinture

Chapitre deux: Une nouvelle équipe

La lumière faiblit soudainement. Phileas cessa de parler, pivota sur lui-même et prit sa hache à pleines mains. Hercule recula d’un pas. Il n’en menait pas large. On voyait bien qu’il voyait que l’autre avait vu quelque chose.
« Qu’est-ce qu’il y a? finit par demander l’élu de la prophétie au bord de la crise de nerf.
-Une sphère nocturne…
-Mais encore?
-C’est une bulle à l’intérieur de laquelle tout ce qui se trouve est plongé dans l’obscurité.
-C’est pas grave, tu sais. Il y a longtemps que je n’ai plus peur du noir.
-Imbécile. Nous sommes juste en face du repère des Garous-Fierrabras, ces créatures inoffensives à la lumière du jour qui deviennent quasi-invulnérables quand la nuit tombe.
-On peut sans doute discuter avec eux, tenta Hercule alors que le jour venait de disparaître totalement. Et puis ça n’est pas vraiment la nuit.
-Oui, fit une voix, mais il fait sombre et ça nous suffit. »

Le futur gendre du roi se retourna et vit une main poilue s’approcher de lui et se poser sur son épaule. Il y avait si peu de lumière qu’il ne voyait même pas ce qu’il y avait à l’extrémité de ce bras poilu, ce qui rendait l’expérience encore plus terrifiante. La seule chose qu’Hercule devinait, c’était ces deux petites lueurs braquées sur lui comme une paire d’yeux flottant dans l’espace.
« Je vous conseille de ne pas faire d’esclandre, lança Phileas. Je manie mon arme aussi bien que vous maniez les crocs et l’armée du roi saura où vous trouver quand il fera jour s’il nous arrivait malheur.
-Tiens donc ! lança la créature. Vous ne savez même pas à quoi nous ressemblons quand nous ne sommes pas ce que nous sommes en ce moment.
-Quand vous aurez fini de tergiverser, s’impatienta Hercule, vous me lâcherez peut-être l’épaule. Je vous signale que vous me faites mal à la clavicule… »
La créature partit d’un grand rire avant de libérer le frêle guerrier qui se précipita derrière son coéquipier. Trois silhouettes sortirent de la pénombre, dévoilant pour l’occasion leur physique bestial qui provoqua une crise de pet chez le pauvre Hercule.
« Il faut vraiment que tu te fasses soigner, murmura Phileas. Tu as un problème de ce côté là… »
Pour toute réponse, Hercule lança une seconde salve largement plus savoureuse que la première qui fit par ailleurs reculer les créatures.
« Tu peux recommencer pour voir ? demanda le barbu.
-C’est pas sur commande…
-Si seulement on avait pu mettre la main sur les pipoils avant d’être encerclés par la sphère nocturne ! » se lamenta Phileas.
Les Garous-Fierrabras se regardèrent les uns les autres, interloqués. L’un d’eux déroula sa grosse langue grise comme un rouleau de papier toilette et s’avança vers les guerriers en s’exclamant :
« Vous cherchez des pipoils ? Nous aussi !
-Avec une bonne sauce à l’échalote, compléta un autre Garou, c’est presque aussi bon que des tripes d’homme.
-Je comprends mieux pourquoi votre langue est grise, s’esclaffa Hercule.
-Arrête de rire imbécile ! ordonna Phileas en pinçant la fesse droite de son partenaire qui en eut la larme à l’œil.
-On peut faire équipe avec vous ? demanda une créature. On est bête, on n’a pas de stratégie, on a du mal à trouver à manger.
-On veut bien, répondit Phileas, mais il faut nous promettre de nous en laisser.
-Vous mangez du pipoil ?
-Non, mais on en a besoin. »
Les Garous se regardèrent à nouveau les uns les autres. L’un d’eux se gratta le crâne, signe évident d’un effort cérébral sans précédent de sa part. Il s’avança et dit :
« Nous ne comprenons pas. Vous ne mangez pas de pipoil, mais vous en avez besoin… Si vous avez besoin, c’est bien pour les manger, non ?
-Qu’est ce qu’on pourrait faire d’autre avec un pipoil ? lança un deuxième Garou, confirmant la bêtise de son espèce par un sourire à faire élire un dictateur favorable au libre usage des armes à feu.
-Peut-être qu’ils les sucent et qu’ils les recrachent après, tenta la troisième créature d’une voix stupide.
-Ôôô! firent les deux autres scandalisés.
-Ce que nous faisons avec les pipoils ne vous regarde pas, trancha Phileas.
-Mon Dieu! » murmurèrent les Garous en se tenant la tête entre les mains. Il y avait, dans la réponse de Phileas, une connotation déplaisante qui les mettait vraiment mal à l’aise. Malgré tout, celui qui s’était avancé serra la main de Phileas et la fine équipe entama les recherches.

« Du coup, on n’a pas mangé le dessert! s’indigna Hercule.
-On n’a pas le temps, expliqua Phileas. Il faut profiter de l’aide des Garous avant que la sphère nocturne ne se déplace. »
Hercule grignota quand même une deuxième banane rouge en marchant qu’il avait prévu au cas où la première ne suffise pas et se plaignit de ne pas pouvoir faire sa sieste digestive. Phileas lui marcha volontairement sur le pied.

Hyperborea: Séance de peinture (Un travail laborieux)

Épisode quatre: Séance de peinture

Résumé des épisodes précédents: Hercule et Phileas se sont fièrement battus contre des créatures aquatiques tandis que la princesse Diane vient de faire son marché.

Chapitre un: Un travail laborieux

Adossés contre un tronc d’arbre, Hercule et Phileas contemplaient la façade du château d’un air blasé.
« Il n’y a pas à dire, lança le plus petit, le mur s’effrite.
-C’est moche, ajouta l’autre. Il faudrait redonner un coup de peinture. C’est-ce qu’a demandé le roi. Ça va être un sacré boulot…
-Il y a bien les pipoils duveteux.
-C’est quoi?
-Tu sais bien, ces espèces d’insectes velus qui vivent dans la forêt en se nourrissant du dépôt calcaire amassé sur la roche.
-Et bien? Que viennent-ils faire avec les murs du château?
-Tu n’as pas remarqué qu’ils laissaient une couche de salive grise parfaitement uniforme sur les pierres qu’ils léchaient en te promenant?
-Je ne me promène jamais nulle part et je ne suis pas du genre à contempler les cailloux en me grattant le cul. Nous sommes des guerriers Hercule.
Peut-être, mais les pipoils nous économiseraient un travail laborieux si on les laissait lécher les murs du château.
-Un château peint à la bave, c’est un peu crade quand même.
-C’est ça ou on en a pour des semaines à manier le pinceau. »

A cheval sur des grenouilles géantes, les serviteurs du roi parcouraient la forêt en retenant les haut-le-cœur provoqués par le rythme saccadé des bonds. Hercule demanda à faire une pause pour déjeuner. Ils s’arrêtèrent prêt d’un monticule de roches où ils s’assirent pour sortir leurs provisions. Hercule sortit un sac en papier de sa besace dans lequel il rendit son petit-déjeuner.
« Tu fais de la place pour ton sandwich? demanda Phileas.
-Non, répondit Hercule, c’est à cause des grenouilles. Je ne m’y ferai jamais…
-Tiens, bois. Ça immunise contre la nausée
-Qu’est-ce que c’est?
-De l’urine de dragon diluée dans de la sueur de poupo.
-Je préfère vomir.
-Comme tu voudras, conclut l’autre en rangeant la fiole qu’il avait sortie de sa besace. Après un troisième sandwich à la graisse d’ours frisé, Phileas donna un coup de coude dans le dos de son coéquipier qui en recracha sa banane rouge en ouvrant grand les yeux.
« Dis donc, lança le barbu, t’as rien remarqué?
-Si. Tu es une brute.
-Les rochers sur lesquels nous sommes assis…
-Quoi?
-Ils sont tout gris.
-C’est normal.
-Non justement. Ça n’est pas un gris naturel.
-Tu penses que c’est de la salive de pipoil?
-Non. Du savon à barbe…
-Du savon à barbe?
-Ta lucidité force le respect Hercule.
-Je te remercie. C’est gentil de me dire ça.
-Tu ne te reposes jamais? »

Hyperborea: Baignade interdite (Une fin lamentable)

Épisode trois: Baignade interdite

Chapitre quatre: Une fin lamentable

Les envoyés du roi remontèrent à la surface et malgré la fatigue, Hercule remua l’arrière-train en tirant la langue pour manifester sa satisfaction.
« Mon épée a des pouvoirs magiques! Nananère! C’est pas pour rien qu’on l’appelle l’épée lunaire! brailla le simple d’esprit, grisé par son exploit récent.
-T’emballes pas, déclara le barbu, je te signale que la créature nous a échappé.
-Je vais la chercher.
-Attends, c’est bien la lune qui fait réagir ton épée?
-Ben, oui…
-Réfléchis, dans la grotte, y a pas de lune. Tu pourras rien faire…
-Heu… C’est pas grave, je vais la faire venir.
-Comment?
-Comme ça. »
Les entrailles de l’élu intervinrent aussitôt sous la forme d’une sonate gazeuse qui devrait inciter les plus coriaces d’entre vous à cesser sur-le-champ la lecture de ce manuscrit décadent aux vertus discutables.
Intriguée, la créature sortit la tête de l’eau et accompagna Hercule dans son récital, preuve en fut l’apparition d’un groupe de bulles autour de lui. Les trois larrons partirent d’un grand rire et il ne leur fallut pas moins de quinze minutes pour comprendre qu’ils n’avaient rien à faire ensemble. Le monstre voulut repartir, mais Hercule le rejoignit et lui saisit la jambe.

Quant à Phileas, il fut abordé par un vieillard insomniaque qui le prit pour le médiateur de la rédaction d’une gazette financière.
« Je suis un abonné de longue date, marmonna le vieux.
-Pardon? fit le barbu.
-Je lis votre canard depuis des années et je m’étonne que certaines valeurs ne soient pas mentionnées dans la cotation en pages centrales…
-Je ne comprends rien à ce que vous me dites. Mon camarade est aux prises avec une créature malveillante et je n’ai pas le temps de vous parler…
-Je voulais aussi vous parler des dividendes, coupa le vieillard sénile. Je sais que vous êtes de bon conseil.
-Alors suivez celui-ci: rentrez chez vous! »

Le vieux alla se coucher en parlant tout seul et Phileas sauta dans l’eau. Évidemment, il n’y avait plus personne. Il ressortit et s’aperçut que la créature avait fait tomber l’amulette sur la berge avant de disparaître. Il sortit de l’eau, la ramassa et rentra au château.
Ignorant que la poursuite n’avait plus lieu d’être, Hercule s’agrippait bêtement à l’homme-poisson qui l’entraînait vers le passage.
« Ah non! Pas cette fois! » pensa l’envoyé du roi en lâchant la créature qui disparut à tout jamais.
Le guerrier remonta à la surface et fit tournoyer fièrement son épée à la lumière de la lune. Ses démonstrations répétées sur un tronc d’arbre furent à l’origine d’un terrible incendie qu’une patrouille de pompiers alertée par le vieillard insomniaque eut toutes les peines du monde à maîtriser.

Hyperborea: Baignade interdite (Un monde caché)

Épisode trois: Baignade interdite

Chapitre trois: Un monde caché

Phileas prit Hercule par le poignet et ils plongèrent tous les deux à la poursuite du voleur d’amulette. Ils nagèrent dans un tunnel en pierre et atterrirent dans un lieu insoupçonné. Ce qui ressemblait à une mare était en fait un passage menant à un monde aquatique souterrain beaucoup plus vaste que nos héros pouvaient l’imaginer. Hercule et Phileas durent remonter pour respirer, mais en voyant une lueur au-dessus d’eux, ils renoncèrent à faire demi-tour et émergèrent dans une grotte située de l’autre côté du tunnel en pierre.
Des centaines de vers luisants éclairaient la grotte et Hercule se mit à sucer son pouce, émerveillé par toutes ces lumières. Phileas gifla son coéquipier et ils nagèrent vers une petite plage souterraine afin de reprendre la poursuite.

Assise sur les genoux d’un garde, la princesse annonça que les commissions pourraient attendre et demanda au tavernier s’il louait des chambres. Celui-ci répondit négativement et le garde assis en face du couple demanda où étaient les toilettes.

« Regarde, fit Hercule. Là-bas… la créature.
-Elle a suspendu l’amulette à un crochet, compléta Phileas.
-Ça veut dire qu’elle la retire quand elle est chez elle. C’est déjà ça. Il faut la lui reprendre.
-Elle ne nous a pas vu, profitons en avant qu’elle ne réagisse. »
Les nerfs à vif, Hercule lâcha une véritable bombe d’air avant de sortir de l’eau, ce qui produisit une montagne de bulles qui alertèrent la créature en éclatant les unes après les autres.
« T’es crade! s’emporta Phileas. Regarde! La chose t’a entendu. Elle s’enfuit avec l’amulette. »
Hercule qui était déjà à terre se mit tout de suite à courir après le monstre en hurlant convulsivement les paroles de la chanson de Noël Mon beau sapin. Resté seul, Phileas préféra l’attendre en barbotant.

Dans les toilettes de la taverne, l’un des gardes attendait son tour devant la porte en toussant lourdement pour couvrir le bruit. Une petite vieille voulut aller faire pipi, mais le regard noir qu’on lui décocha lui fit remettre son projet à plus tard.

L’envoyé du roi fut pris dans un éboulement et constata qu’il ne pouvait plus rejoindre la sortie. L’angoisse lui serra l’estomac et le jeune homme offrit un échantillon de symphonie intestinale à qui voulût l’entendre. Intriguée, la créature revint sur ses pas.

Au village, on continuait à s’amuser. Nerveux comme un homme d’église en présence d’une adolescente précoce, le tavernier savait qu’il ne pouvait pas s’opposer à la fille du roi alors il se soulagea en saisissant fermement la poitrine d’une serveuse à pleines mains. Surprise, celle-ci poussa un gémissement qui incita plusieurs clients sur le départ à s’attarder.

Hercule recula devant la créature qui fixait le manche de son épée lunaire. Celui-ci était orné d’un Cristal brillant qui attirait l’œil et le monstre était visiblement amateur de bijou. L’envoyé du roi se cogna contre l’amas formé par les pierres qui s’étaient écroulées et gémit comme un nourrisson en comprenant qu’il ne pouvait plus reculer. La créature tenta de lui prendre l’épée, mais elle fût aussitôt projetée en arrière comme si un éclair lui était tombé sur les doigts. Alors Hercule se souvint des paroles de la vieille femme qui lui avait remis l’arme magique:
« Les astres ont toujours dit que seul l’élu pouvait tirer l’épée de son fourreau… »

De l’autre côté du mur de pierres, Phileas faisait la planche en sifflotant. Après tout, il ne pouvait pas faire grand-chose à part attendre que son ami revienne. Alors bon, il barbotait l’esprit tranquille en se disant que ceux que ça dérangeait étaient des mécréants.

Nous terminerons la parenthèse sur les courses de la princesse Diane en précisant que celle-ci, courbaturée comme on l’imagine, acheta des œufs, des tomates et quelques laitues par formalité qu’elle fit ensuite porter par les gardes rêveurs et s’empressa de rentrer au château pour prendre un bon bain et se remettre à son tricot.

Phileas fut interrompu dans sa séance de glande par un tentacule qui se referma sur son cou et l’entraina au fond de l’eau. Le guerrier avait beau se débattre, l’espèce de calamar géant qui l’étranglait ne semblait pas vouloir lâcher prise. Phileas trancha les membres caoutchouteux avec sa fameuse hache et put ainsi remonter à la surface. L’animal émit un son rauque, compromis parfait entre la chasse d’eau et l’aspirateur, puis changea de couleur. En effet, le calamar blanc devint rouge comme un manteau de père Noël et s’avança vers son adversaire en faisant les gros yeux.
La créature mi-homme, mi-poisson entendit le grognement et détruisit aussitôt le mur de pierres entassées en dépliant brusquement sa langue comme une grenouille. L’édifice vola en éclats et la voie se libéra. Hercule se retourna et découvrit son ami en mauvaise posture.
En effet, le calamar avait doublé de volume sous l’effet de la colère et la créature voleuse d’amulette semblait vouloir lui prêter main forte. Tentant le tout pour le tout, Hercule frappa l’homme-poisson de son épée, mais l’arme ripa lamentablement sur les écailles visqueuses recouvrant le corps verdâtre de la créature. Le guerrier se jeta alors sur le gigantesque animal qui l’entraîna sous l’eau. Condamnés à suivre la bête dans sa course folle, Hercule et Phileas se débattaient comme de beaux diables. La lutte sous-marine dura un bon moment sous le regard de l’homme-poisson qui nageait à quelques mètres derrière eux. De l’autre côté du passage, l’obscurité informa le petit groupe que la nuit était tombée.
Alors que tout semblait perdu, Hercule leva la tête et aperçut une lueur blanchâtre à la surface. C’était la lune qu’il voyait à travers l’eau et sa lumière fit réagir son épée pour la première fois depuis qu’il l’avait en sa possession. L’arme se mit à briller fortement et Hercule, pris de panique, l’agita vers le calamar. Aussitôt, un rayon aveuglant fut projeté de l’extrémité de la lame vers le monstre et Phileas fut libéré de l’insoutenable étreinte. Le tentacule retomba mollement, totalement inerte, tout comme le reste du corps caoutchouteux qui sombrait lentement vers le fond. Bien qu’animée par un désir légitime de vengeance, la conscience de l’homme-poisson le mettait en garde contre ces adversaires à la force insoupçonnée et celui-ci retourna dans sa tanière.

Hyperborea: Baignade interdite (L’homme-poisson)

Épisode trois: Baignade interdite

Chapitre deux: L’homme-poisson

« Ben quoi? s’étonna l’autre. On est arrivé! »
Le prétendant de la princesse sauta à son tour et le Poupo s’installa en petit rond sur un large rocher.
« Il va falloir faire un effort maintenant, lança Phileas, parce que j’ai pas l’intention de soulever les cailloux un par un.
-T’es marrant répondit Hercule. Je te répète que j’étais bourré!
-Tu vois la petite mare là-bas? Si tu ne me retrouves pas l’amulette dans l’heure, je te balance à l’intérieur.
-Tu ferais ça?
-Je vais me gêner…
-T’es vraiment une raclure!
-Je peux le faire tout de suite, si tu veux… »
Joignant le geste à la parole, le guerrier massif aux larges épaules et à la barbe rousse souleva son camarade et le projeta dans les airs sans prêter attention aux menaces, insultes, supplications et autres jérémiades qui accompagnèrent sa chute.
Après s’être débattu pour prendre ses repères, Hercule engagea la manœuvre pour remonter à la surface. Il touchait au but lorsqu’il aperçut une silhouette mouvante à quelques mètres de lui. Intrigué, le jeune homme redescendit quelques instants pour voir de quoi il s’agissait.

Au village, la princesse Diane proposa à son escorte de faire une halte à la taverne du lapin blagueur, réputée pour sa pelure d’oignon en pichet, avant d’aller faire les commissions.

Au fond de la mare, Hercule discerna distinctement un homme-poisson portant l’amulette autour du cou et qui se réfugia aussitôt dans son terrier. A cour d’oxygène, il dut remonter au grand soulagement de Phileas qui croyait son camarade noyé.
« J’ai trouvé l’amulette! s’extasia le jeune homme. Elle est en possession d’un homme-poisson.
-Qu’est-ce que tu racontes? fit l’autre. Tu l’aurais balancé au fond de la mare?
-Sans doute, mais je l’ai retrouvée je te dis.
-Alors va la chercher! »
Hercule replongea, mais il ne vit plus rien.

A la taverne, la princesse entamait son troisième verre et commençait à fixer les gardes à tour de rôle d’un regard singulièrement pétillant. L’un d’eux observait le décolleté de la jeune fille depuis un moment en se tortillant sur sa chaise tandis que l’autre se resservait en pelure d’oignon.

Assis au bord de la mare, Hercule et Phileas regrettaient de devoir inspecter un endroit aussi sale.
« Tu dis qu’une créature portait l’amulette autour du coup? demanda le plus imposant des deux personnages.
-Oui, répondit l’autre, reste à savoir depuis combien de temps. Parce qu’au bout de douze heures, on ne pourra plus rien faire.
-Ça urge, il est peut-être déjà trop tard. On n’a plus le temps d’aller chercher Damien pour qu’il nous change en poissons. »
A ce moment, la créature sortit de l’eau pour vérifier s’il n’y avait personne et tomba nez-à-nez avec les deux guerriers. En les voyant, elle replongea aussitôt en poussant un petit cri comparable à un train qui freine.

Hyperborea: Baignade interdite (Retour à la crypte)

Épisode trois: Baignade interdite

Résumé des épisodes précédents: Trop occupé pour s’en charger lui-même, le roi Ernest a envoyé Hercule et Phileas, rapidement rejoints par Damien, pour massacrer des taupes nocives pendant que la vie continue au château.

Chapitre un: Retour à la crypte

« C’est dégoûtant de nous faire nettoyer le château, se révolta Hercule. Après tout ce qu’on a fait, on devrait être en vacances!
-Le problème, répondit Phileas en donnant de vigoureux coups de balais, c’est que tout le monde est malade ce matin. Nous sommes les deux seuls hommes vigoureux à tenir debout.
-Oui, ben au point où on en est, ça aurait pu rester dégueulasse jusqu’à demain… »
Hercule essora une serpillère de toutes ses forces en s’imaginant broyer le roi entre ses mains.

A côté de la crypte Danton, une étrange créature vivait dans un terrier aquatique situé au fond d’une mare. Elle faisait une petite promenade pour se dégourdir les nageoires et venait de tomber sur l’amulette royale. Intriguée, la créature s’amusa à se passer le bijou autour du cou et continua à se promener pour impressionner les poissons. Si personne ne faisait rien, dans douze heures, elle serait invincible…

« Hercule, tu me déçois, lança le roi en fusillant le jeune homme du regard. Cela fait plusieurs mois qu’on fouille la région pour savoir où tu aurais pu perdre l’amulette et tu n’es même pas foutu de nous dire où tu l’as vu pour la dernière fois.
-C’est que… votre fille m’avait fait boire, bredouilla Hercule en baissant la tête. Je ne me souviens pas vraiment…
-Suffit! coupa le roi. Tu vas retourner avec Phileas à la crypte et retrouver toi-même le bijou. Après tout, c’est toi qui l’as perdu, c’est à toi de t’en occuper.
-Mais on a déjà supprimé les taupes! On peut pas se reposer un peu avant?
-D’accord. Vous ne partirez que demain.
-Si vous permettez Sire, intervint le sorcier Damien, je viens de mettre au point un sort d’hypnotisme qui me permettra de fouiller dans les souvenirs du jeune imbécile, ce qui nous fera gagner un temps précieux.
-Parfait! approuva le roi. Emmène-le dans ton atelier et fais de lui ce qu’il te plaira… »

Assise dans un coin de la pièce, la princesse Diane posa son tricot sur lequel elle travaillait sur une petite table et s’approcha du trône.
« Père, vous n’allez pas renvoyer mon fiancé en mission tout de même!
-Si ma chérie. Tu as très bien entendu.
-Mais j’avais des courses à faire au village. Qui va m’aider à porter les commissions?
-Si ça n’est que ça, je t’envoie une escorte.
-Je veux ces deux là! ordonna la jeune fille en désignant deux bellâtres à forte carrure et au visage d’ange.
-Ha! Les femmes… soupira Ernest. Toutes les mêmes… »
Le roi repensa pour le coup à la douce Yvette et rejoignit cette dernière dans sa chambre pour une séance de massage particulière.

« Assieds-toi, demanda le sorcier en désignant une chaise, j’ai besoin que tu te concentres.
-Avec votre aquarium à mygales en face de moi, je vais avoir du mal, répondit Hercule.
-Cesse de dire des bêtises et ferme les yeux. »
L’aventurier s’exécuta et le sorcier entama une série de formules toutes plus grotesques à entendre les unes que les autres. Hercule fut pris d’un fou-rire après Hocus Pitipus et reprit son sérieux suite à une paire de claques administrée par le magicien noir en personne. Ce dernier réussit à faire dire à Hercule ce qu’il s’était passé. L’ennuyeux, c’est que l’état de béatitude dans lequel l’aventurier était plongé modifierait sa façon de parler pendant au moins trois bonnes heures. Actuellement, son débit de parole était strictement identique à celui du terroriste politique Philippe De Villiers.

Le roi Ernest envoya les deux guerriers chercher un Poupo à l’étable et ils s’envolèrent pour la vallée des ténèbres récupérer l’amulette. Pendant le trajet, Hercule confia ses doutes existentiels à Phileas.
« Tu comprends, annonça-t-il, si le roi recule le mariage, c’est peut-être parce qu’il attend que je fasse mes preuves…
-Tu vas pas te taper Diane devant lui quand même?
-Il ne s’agit pas de ça!
-Il veut que tu la frappes pour prouver ton pouvoir de domination?
-Mais non, triple buse! Je pense qu’il veut que je lui fasse un merveilleux cadeau.
-Cueille-lui une pâquerette. Y en a plein derrière le château.
-Écoute, laisse tomber… »
Phileas sauta du Poupo. Hercule se mit à hurler.

Hyperborea: Les taupes (Le génocide)

Épisode deux: Les taupes

Chapitre six: Le génocide

Le soleil était levé depuis un moment sur la contrée. Le roi s’étouffa dans son sommeil et se réveilla brutalement en toussant à plusieurs reprises. Il se pencha pour se débarrasser de la mousse jaune qui lui chatouillait la gorge et décora de la sorte le bord de son lit d’une flaque de grumeaux qui ferait à coup sûr le bonheur de son épagneul.
L’animal goulu était pour l’heure occupé à renifler les tapisseries de la salle à manger en remuant la queue. Le maître des lieux siffla son compagnon et lui fit sentir un vieux slip d’Hercule réquisitionné sur le sol de sa chambre.
« Cherche Lucien. Cherche! Hercule devrait déjà être rentré. Il a dû faire la nouba toute la nuit pendant que je me faisais du mauvais sang… Il va m’entendre! »

Les guerriers et le magicien noir étaient arrivés sur la falaise. Damien s’essuyait le derrière dans l’herbe pour effacer les dernières traces de jus, Hercule soufflait dans le pipeau et Phileas prenait les petites taupes humanoïdes une par une pour les laisser tomber sur le sol, trois-cents mètres plus bas.
« Active! supplia Hercule entre deux notes. Je n’ai plus de souffle.
-On fait ce qu’on peut, confia Phileas en visant un rocher précis pour corser l’affaire.

Le roi réveilla deux de ses meilleurs gardes assoupis sur le sol du couloir en leur décochant un coup de pied dans les côtes.
« Debout tas de feignants! brailla-t-il en retenant Lucien par le collier. J’ai besoin d’une escorte immédiatement! »
Les garde se raclèrent le nez, s’essuyèrent le doigt sur l’épagneul et accompagnèrent le roi vers la falaise.

Les taupes reprenaient conscience à mi-parcours, lorsqu’elles étaient trop loin pour entendre le son du pipeau. Certaines mourraient d’une crise cardiaque avant d’atteindre le sol, d’autres gémissaient en se pissant dessus.
Par soucis écologique, Phileas s’efforçait de balancer les taupes qu’Hercule lui envoyait sur une de leurs congénères qui s’était accrochée les vêtements dans une branche d’arbre ce qui polluait quelque peu le paysage. Le gros guerrier riait fort en voyant les têtes poilues s’entrechoquer violemment. Certaines volaient en éclat tandis que d’autres se sectionnaient proprement.

La princesse Diane s’éveilla dans le fauteuil de la bibliothèque, un livre de cuisine sur les genoux. Elle regrettait de s’être privée d’alcool, mais la vision de son père batifolant sous la table avec les serveuses la répugnait au plus haut point. Elle bailla, se leva mollement et ouvrit la porte donnant dans le couloir pour regagner sa chambre. La jeune fille glissa sur une flaque de vomi et atterrit la tête la première dans une assiette de rognons aux fayots oubliée sur le sol.

Leur mission accomplie, le magicien noir et les deux combattants rentrèrent au château. Ils croisèrent la grenouille en chemin qui s’était perdu et lui montèrent tous les trois sur le dos pour aller plus vite. Epuisé, l’animal clamsa à l’étable le soir même.

Installés en tailleurs sur la falaise, le roi Ernest et ses gardes jouaient aux cartes en attendant que Lucien ait fini de se reproduire avec un épagneul femelle échappé du village voisin. Ils avaient vu passer la grenouille, mais tenaient absolument à finir la partie. Mauvais perdant, le roi poussa le garde gagnant du haut de la falaise et conseilla à l’autre de se tenir à carreaux. Quant à Lucien, la marchandise ayant été consommée, il imita son maître en poussant la femelle à son tour et rentra au château avec les deux hommes en remuant la queue.

A quelques kilomètres de là, dans la mare où Hercule avait jeté l’amulette royale, ce qui avait d’ailleurs fait piquer une colère mémorable au vieil Ernest, une entité maléfique semi terrestre, semi aquatique, s’intéressait fortement au bijou magique…