Hyperborea: Le Seigneur de Castillaux (Le passage secret)

Épisode six: Le Seigneur de Castillaux

Chapitre trois : Le passage secret

« Dites, vous pourriez demander à votre ours d’arrêter de se plaindre ? demande le brigand à Hercule qui dormait sur la banquette du cachot.
– Je dors ! répondit-il.
– Moi je n’arrive pas à fermer l’œil avec un ours qui parle à côté de moi, ça m’angoisse.
– C’est pas un ours, c’est un homme. Vous êtes rassuré ?
– Non. Un homme avec une truffe et une pilosité anormalement développée n’est pas moins angoissant qu’un ours qui parle.
– Putain, mais il est con ! intervint Phileas en retirant son masque.
– Attendez ! s’alarma Hercule, j’ai cru entendre un bruit derrière le mur.
– C’est plutôt ton bide, commenta Phileas. On n’a rien mangé ce soir.
– Non sérieusement, on dirait un rongeur qui se balade derrière une cloison.
– Mais c’est un mur en pierre super épaisse, précisa le brigand, vous ne pouvez pas entendre ce qu’il se passe de l’autre côté. C’est impossible.
– A moins que…
– Vas-y, lança Phileas, termine ta phrase. »
Pour toute réponse, Hercule fracassa un morceau de mur avec son pied et libéra pour l’occasion un passage secret propice à une évasion prochaine.

Au même instant, le Seigneur de Castillaux poussa un petit cri aigu suite à un cauchemar où il se voyait enfant, perdu dans une kermesse. Sa femme lui demanda ce qu’il avait et le Seigneur quitta aussitôt la chambre pour aller faire couper une tête, comme ça, en pleine nuit, ça ne peut pas faire de mal. Il en restera toujours deux pour le lendemain, se disait-il. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant que le cachot était vide.

« L’odeur de tes fausses pattes est un compromis étrange entre le cheddar et le bleu d’Auvergne, expliqua Hercule à Phileas qui se trouvait devant lui.
– Il ne fallait pas accepter de ramper derrière moi dans ce tunnel ! se défendit l’accusé en étirant volontairement sa jambe gauche jusqu’à frôler le nez d’Hercule avec son orteil.
– Quand vous aurez fini de vous chamailler, intervint le brigand, vous me direz peut-être ce que vous voyez.
– Je vois une lumière, dit Phileas, c’est peut-être la sortie.
– C’est peut-être aussi des rats qui dînent à la chandelle, commenta Hercule. Allez, active et laisse-nous sortir au lieu de dire des âneries.
– N’empêche que de là où je suis, je peux pas être sûr que ça soit la sortie.
– Que veux-tu que ça soit d’autre, bougre d’âne. »
A ce moment, la lumière s’intensifia et Phileas distingua très nettement un ogre albinos, une torche à la main qui s’avançait vers eux.
« Heu… bonjour, lança le faux ours, beau temps pour la saison, n’est ce pas ?
– Qu’est ce que vous faites là? demanda l’ogre dans sa propre langue.
– On visite, répondit Phileas qui se doutait du sens de la question, bon les gars, on va peut-être rentrer.
– Pas si vite ! »
L’ogre siffla entre ses doigts et une dizaine de ses congénères arriva au pas de course. Les ogres albinos vivaient dans les zones humides et sombres. Ce petit passage était leur zone de prédilection depuis des années. Blancs de poils et rouges de l’œil, ils portaient des uniformes dépourvus d’élégance avec des pompons jaunes cousus sur les épaules et ne sentaient pas vraiment la rose. Le premier ogre, d’une laideur peu commune, fixa les prisonniers. Phileas lui péta la gueule car ce petit merdaillon l’avait un peu cherché ne serait-ce qu’avec son physique odieusement ingrat. On voyait bien qu’il sentait fort sous les bras et son haleine fétide évoquait fortement celle d’un épagneul malade ayant léché l’anus d’un de ses semblables. Ses camarades arrivèrent rapidement, mais nos amis foncèrent dans le tas et quelques têtes volèrent en éclat. Hercule en prit un pour taper sur l’autre et sa satisfaction faisait plaisir à voir. Une fois que tous les ogres furent assommés, on se demanda ce qu’il se passerait s’il y en avait encore se trouvant de l’autre côté du passage. Le brigand eut alors une idée de génie :
« Volons leurs vêtements et déguisons-nous en ogres ! »
Phileas le gifla en prétextant qu’il avait parlé sans autorisation et qu’il n’aimait pas qu’on ait des idées à sa place. Après quoi la fine équipe mit le plan du brigand à exécution.
« Je ne trouve pas d’ogre à ma taille ! se plaignit Hercule.
– On n’a pas idée d’avoir des mensurations de fiotte comme les tiennes, lui répondit Phileas.
– Bon, je prends un costume, mais je flotte dedans, j’espère que ça va pas paraître suspect.
– Très bien. Enfile-le maintenant.
– Non.
– Pourquoi ?
– Il sent mauvais. »
Bien décidé à faire passer un sale moment à son camarade pour le punir de ses réactions stupides, Phileas sortit une petite bouteille d’alcool qu’il cachait sous son costume d’ours et en prit une bonne portion qu’il garda en bouche. Après quoi il ramassa la torche d’un ogre qui n’était pas encore éteinte et cracha au visage d’Hercule. Une flamme gigantesque le défigura en partie.

Hyperborea: Le Seigneur de Castillaux (La nouvelle troupe)

Épisode six: Le Seigneur de Castillaux

Chapitre deux : La nouvelle troupe

« Une troupe de divertissement ? répéta le Seigneur. J’ai déjà ce qu’il me faut !
-Plus maintenant, répondit Hercule en désignant Phileas qui faisait semblant de mâcher la chaussure du troubadour personnel de Castillaux qui lui-même venait d’être jeté à l’eau par leurs soins.
-Ha ! Ha ! s’esclaffa le Seigneur. De la témérité, j’aime ça ! Soit ! Je vous engage et dites à votre ours d’arrêter de manger la bouche ouverte, Pipistrelle puait des pieds. »
Les deux guerriers ainsi que le brigand pas encore tout à fait remis de sa blessure entrèrent dans l’enceinte du château et furent aussitôt ovationnés par plusieurs personnes.
« C’est vous qui avez tué Pipistrelle ? demandaient certains. Bon débarras, ce crétin chantait comme une casserole !
-Tu vois, glissa Hercule à l’oreille de son comparse pour le rassurer, ils acceptent des gars qui chantent mal et qui sentent du panard, on passera sans problème. »
Ne pouvant répondre en public, l’autre grogna d’une manière moyennement convaincue pour signifier ses doutes.

Au château du roi, il ne se passait rien d’extraordinaire et vous venez de perde quelques précieuses secondes à lire cette phrase. Le mieux reste encore de vous débarrasser définitivement du texte en brûlant le manuscrit ou en le supprimant de votre disque dur.

Après leur avoir indiqué où se trouvaient leurs chambres ainsi que la salle à manger où ils passeraient leur audition le soir même au moment du souper, on laissa quartier libre aux trois espions.
« Je vous préviens, maugréa le brigand qui commençait lentement à reprendre ses esprits, je ne marche pas avec vous. Je vous ai suivi parce que vous êtes plus forts que moi, mais à la première occasion, je me taille.
– Il est indispensable ? demanda Phileas.
– Attendons ce soir, proposa Hercule, s’il n’apporte rien, on s’en débarrasse avant d’aller se coucher.
– Je ne me laisserai pas faire ! » s’emporta la victime potentielle.
Les deux autres firent comme s’ils n’avaient pas entendu.
Ils se retrouvèrent ensuite dans les cuisines en quête de boisson fraîche car le trajet leur avait donné grand soif. Bizarrement, les cuisiniers ne prêtèrent pas attention à leur présence et plusieurs détails faisaient tâche dans un endroit pareil, à commencer par les répétitions de danse sur le plan de travail. Hercule intercepta un préposé aux fourneaux et lui demanda la raison d’un tel chahut.
« C’est l’anniversaire du Seigneur, expliqua celui-ci, on prépare un spectacle sur table avec quelques chorégraphies. Les danseuses doivent surgirent du gâteau et je pense qu’on va vous demander de chanter quelque chose. Les deux guerriers se regardèrent de façon sceptique.

Le moment du dîner arriva très vite et avec lui, l’heure de faire ses preuves pour le trio de choc.
« Et bien, déclara le Seigneur de Castillaux après avoir essuyé une boulette de gras qui lui titillait la barbe depuis quelques minutes, je me demande ce que m’ont réservé les nouveaux comiques, faites-les venir ! »
Il frappa dans ses mains et nos amis entrèrent en scène. Le brigand se prit les pieds dans un tapis, ce qui fit rire la salle entière. Hercule entama ensuite un chant de présentation totalement improvisé dont les paroles étaient telles :
Oyez
Nous sommes les trois joyeux farceurs
Nous sommes complices drôles et marrants
Vous passerez un bon quart d’heure
Et vous rirez tout en mangeant
Phileas poussa un terrible grognement et ce grognement signifiait : « le poème que voici est ridicule, j’ai honte de t’avoir rencontré ».
Mais Hercule, le cœur gonflé de fierté par sa récente création le prit de la manière suivante : « il serait dommage de s’arrêter sur une si belle lancée, si tu pouvais faire monter la sauce… »
Alors l’élu de la prophétie reprit de plus belle :
Vous-même Seigneur de Castillaux
Dont la réputation rayonne
Vous allez rires entre deux rots
Car notre talent impressionne
De Castillaux partit d’un grand rire et fut rapidement rejoint par l’assemblée. Hercule sourit jusqu’aux oreilles et le Seigneur rota à gorge déployée pour justifier ses dernières paroles. La chanson se poursuivit sous le regard horrifié de Phileas avec un troisième couplet :
Pour faire les cons dans ce château
Nous sommes venus de très très loin
Voir le Seigneur de Castillaux
Celui qui sent comme un babouin
Les ricanements cessèrent dans la seconde. Phileas marcha sur le pied de son camarade qui beugla comme un âne.
« Voyez messieurs dames, intervint le brigand pour rattraper le coup, nous avons dressé cet ours pour qu’il corrige notre poète en herbe lorsque celui-ci se trompe dans les paroles. »
Malgré cette ultime précaution, une hallebarde été déjà levée vers le plafond prête à redescendre vers le cou du saltimbanque de pacotille. La voix du maître des lieux interrompit la manœuvre.
« Excellent ! dit-il. Je n’ai jamais rencontré d’artiste aussi téméraire, il chante comme un sagouin et ses paroles sont formidables. Vient mon grand, approche-toi. »
Hercule s’avança timidement et trébucha à son tour là où le brigand s’était ridiculisé quelques minutes plus tôt. Des éclats de rire fusèrent ici et là dans la grande salle.

« Mon Seigneur, lança l’artiste en se relevant, c’est là un bien grand honneur que vous me faites.
– Arrête de dire des sottises et raconte-moi d’où tu viens, demanda de Castillaux sous le regard amusé de Phileas qui se mit à rire sous son costume.
– Je viens d’une contrée lointaine où les ours sont nourris au pain sec et à l’eau, répondit Hercule.
– Bien ! Nous ferons le nécessaire pour ne pas perturber les habitudes de ton animal. Et connais-tu des chansons de guerre mon ami ?
– Heu…
– Tu ne réponds pas ? Si je n’ai pas ma chanson de guerre dans la minute, je te fais couper la tête. Gardes !
– Une seconde ! intervint le brigand en brandissant une épée fort impressionnante, je suis un bandit de grand chemin et j’ai été entraîné dans cette aventure contre mon gré. Je refuse de me prêter à cette pantalonnade et je vous conseille de me dire où se trouvent vos coffres sans discuter !
– Merde ! pensa Hercule. Il va tout faire rater !
– C’est le comique dont on m’a parlé ? demanda le seigneur de Castillaux. C’est celui qui fait des sketchs ? Parce que ça commence plutôt pas mal, continue mon garçon, on t’écoute.
– Mais je suis sérieux ! s’emporta l’autre en faisant des grands gestes de sa main libre. Je ne connais pas ces deux guignols et je les ai suivis uniquement pour m’infiltrer dans ce château et m’emparer de votre fortune, nom d’un ravioli !
– Ha ! Ha ! Ha ! s’esclaffa le seigneur, il imite Lorenzo, le bandit italien que j’ai fait pendre avec ses propres tripes pour ne pas froisser Occhiminuti, notre ami violoniste qui refuse de voir ses compatriotes guillotinés. Poilant !
– Je n’imite personne, répondit le bandit en avançant vers le roi, je suis un vrai brigand. Parole ! »
La salle résonna sous un tonnerre de ricanements. Hercule en profita pour s’incruster dans la pseudo-représentation.
« Dis donc l’ami, tu en as mis du temps, vite mettons ce château à sac et renversons ce Castillaux qui s’apprête lui-même à renverser le roi. »
Le guerrier mima le maniement d’une arme imaginaire et attendit la réaction du public. Il y eu un blanc, après quoi, le seigneur se leva pour déclarer :
« Comment savez-vous que je projette de renverser le roi ? Il en sait beaucoup ce petit pour un simple acteur. Gardes ! »
Aussitôt, Phileas comprenant qu’ils avaient maintenant entendu ce qu’ils voulaient entendre et qu’ils n’avaient plus rien à faire là se jeta sur trois hommes armés qui commençaient la manœuvre pour exterminer Hercule.
« Attention, bluffa celui-ci, mon ours est fort comme dix hommes et il n’a rien mangé depuis une semaine.
– On s’en fout ! répondit un garde. Tu as dit qu’il ne consommait que du pain sec.
– Oui… Heu… Mais quand il n’a pas le choix, il mange ce qu’il trouve. »
Aussitôt, le Seigneur de Castillaux jeta un quignon de pain sec aux pieds de Phileas. Les trois espions furent rapidement maîtrisés et jetés aux cachots. Le seigneur furieux commenta l’arrestation :
« Ces petits imbéciles ont gâché mon anniversaire, leur sketch n’était pas drôle. On leur coupera la tête demain matin, ça mettra de l’ambiance pour bien démarrer la journée. »
Ignorant la situation, un serveur arriva à ce moment là en chantant les paroles de joyeux anniversaire et amena le gâteau monté sur un chariot devant la table. Trois danseuses jaillirent de la friandise et entamèrent une chorégraphie aguicheuse, mais de Castillaux leur fit aussitôt trancher la tête en disant :
« Je ne suis pas d’humeur, le fait de me savoir espionné m’a coupé l’appétit. »
Il alla ensuite se coucher en emportant quelques têtes pour dormir, une vieille habitude prise pour vaincre l’angoisse.

Hyperborea: Le Seigneur de Castillaux (Qu’on lui coupe la tête!)

Épisode six: Le Seigneur de Castillaux

Résumé de l’épisode précédent : Après une charmante escapade dans la montagne, nos héros ont finalement neutralisé le Seigneur Noir qui est en fait super sympa, mais certains seigneurs le sont beaucoup moins, comme vous l’allez pouvoir constater dans le présent récit.

Chapitre un : Qu’on lui coupe la tête!

« Alors ça, c’est une riche idée, confia Hercule à son coéquipier qui venait de lui proposer d’aller espionner les filles de la ferme voisine au bord de la rivière. Tu es sûr qu’elles vont se baigner aujourd’hui ?
– Certain, répondit Phileas, j’ai surpris une conversation ce matin entre deux petites gueuses.
– Et moi j’en surprends une en ce moment même entre deux grands obsédés », pesta la princesse Diane qui venait d’arriver dans la cour du château où se tenaient les deux hommes.
Saisissant Hercule à l’oreille, sa fiancée le traîna vers leurs appartements communs où les deux tourtereaux eurent une explication mouvementée tandis que Phileas retourna faire peur aux pigeons perchés sur les remparts du château à l’aide d’un bâton.

« Messieurs, clama le roi Ernest à l’attention de ses deux fidèles guerriers, je vais encore avoir besoin de vos services. Hercule, si ce que je raconte ne t’intéresse pas, dis-le franchement au lieu de te frotter la tête.
– C’est pas ça, sire, répondit l’intéressé, c’est votre fille qui m’a frappé tout à l’heure.
– Drôle de façon d’aimer. Quelle époque ! Sérieusement, si je vous ai demandé de venir, c’est pour aller surveiller le seigneur d’une contrée voisine en qui je n’ai aucune confiance.
– On peut savoir de qui il s’agit ? demanda Phileas.
– Oui, c’est le seigneur de Castillaux.
– Celui qui coupe une tête par jour ? s’affola Hercule.
– Tu bois bien un verre d’Hydromel par jour ? demanda le roi. Chacun ses habitudes.
– Oui, mais c’est pas pareil. Et puis comment on va faire pour le surveiller ?
– C’est simple, rentrez à son service.
– Avec ta gueule de pédé, tu pourras faire troubadour sans problème confia Phileas à son coéquipier.
– Et toi avec ta pilosité monstrueuse, tu pourras faire ours savant.
– Messieurs, coupa le roi, un peu de tenue. Vous venez d’avoir d’excellentes idées. Je vous demande de les appliquer et de partir demain matin.
– Mais on plaisantait ! précisa Phileas.
– Il n’y a pas de mais !
– Quelle vie ! » conclut Hercule en se mouchant dans ses doigts.

Le lendemain, une petite carriole avec pour équipage un nain grimé en ménestrel et un compromis entre le paillasson et le grizzli quitta l’enceinte du château au petit matin.
« C’est dégueulasse de nous faire ça, pesta Phileas.
– Mais non, ricana Hercule, t’es mignon comme ça.
– En plus on n’a même pas eu de petit déjeuner.
– Tu veux du miel ? »
La conversation fut brutalement interrompue par un bruit d’éboulement assez fort. Ne pouvant plus avancer, les deux amis quittèrent le véhicule, tentèrent de calmer leur monture et s’avancèrent vers le monticule pour en savoir plus. C’est à ce moment précis qu’un brigand leur tomba dessus en braillant benoîtement telle une femme se retournant un ongle. Il ne manqua pas de s’écrouler au sol tant son entrée en scène fut hâtive et désordonnée. Les deux compagnons tentèrent de le relever, mais le brigand refusa et se redressa par ses propres moyens.
« Mon pauvre ami, intervint Phileas, oubliant complètement qu’il portait un costume d’ours, vous ne vous êtes pas fait trop mal ?
– Toi l’animal parlant, ne t’approche pas. Montez-moi plutôt ce que vous cachez dans votre carriole !
– Ha ! fit Hercule, c’est pour un vol, c’est donc vous qui avez provoqué l’éboulement. Il fallait le dire tout de suite. En fait, on n’a pas grand-chose et puis on fait semblant d’être un gentil ours et un frêle troubadour, mais en vrai, on est super forts.
– Toi le saltimbanque, tu la boucles et tu craches le pognon.
– Mais puisque je vous dis que… »
Le brigand ne laissa pas à Hercule le temps de finir sa phrase. Il brandit son épée dans sa direction, mais Phileas lui saisit le poignet avec sa patte. Le brigand tenta de se débattre sans succès.
« Qu’est ce qu’on fait, demanda le barbu, on lui casse la gueule ou on l’engage pour la mission ?
-Quoi ? s’excita le brigand.
-Pas con, fit Hercule, on pourrait dire qu’il fait des sketchs. Avec sa voix stridente et son aptitude à tomber au sol, ça serait un succès facile.
-Qu’est ce que vous racontez ? demanda le brigand.
-Alors moi je fais l’ours, dit Phileas, toi tu chantes et lui il fait le clown, c’est pas mal…
-Mais enfin ! s’enflamma le brigand, va-t-on m’expliquer ce qu’il se passe ici ? »
Phileas l’assomma d’un bon coup de boule entre les deux yeux et le plaça dans la carriole avec le reste du matériel.

« Par la peluche de tissu prise dans mon nombril! hurlait le seigneur de Castillaux à qui voulait l’entendre, qu’on lui coupe la tête ! »
Un pauvre type assis en face de lui qui venait de le battre à une partie d’échecs ferma les yeux et récita sa prière. Il fut interrompu par le passage d’une hallebarde à travers son cou au moment où il évoquait sa veuve qui du coup deviendrait la maîtresse du seigneur le soir même.
« Je n’admets pas qu’on triche en ma présence ! reprit le mauvais perdant.
– Il était peut-être meilleur que vous ? suggéra son épouse qui avait suivi la scène. »
Le seigneur se retourna vivement vers elle et loucha aussitôt sur la hallebarde encore sanglante qu’un des gardes tenait à la main, mais un rapide calcul lui fit prendre conscience des problèmes administratifs qu’engendrerait la mise à exécution de son projet. Il gifla un garde pour passer à autre chose et sortit de la pièce en maugréant d’incompréhensibles vocables.
« Mon seigneur ! brailla un jeune soldat en cavalant vers le maître des lieux, je profite de ce que la partie soit terminée pour vous informer que trois hommes demandent une audience de votre part afin de vous proposer leurs services.
– Et bien fais-les entrer, je vais tout de suite voir ce qu’ils ont dans le ventre et avec un peu de chance, je pourrai les enrôler dans ma garde pour renverser le roi. Ha ! Ha ! Ha ! »
Le seigneur de Castillaux partit d’un grand rire, se frotta la barbe et donna une petite tape dans le dos du soldat qui s’écroula au sol avant de perdre connaissance.

Hyperborea: Guerre de clans (Le Seigneur Noir)

Épisode cinq: Guerre de clans

Chapitre cinq: Le Seigneur Noir

« Pourquoi t’as fait ça? demanda Damien. Il était sur le point de nous laisser passer…
-J’aimais pas son sourire. »
Les deux amis partirent d’un grand rire et le barbu prit Hercule sur son dos tandis que le sorcier fit éclater le gardien en morceaux par un tour de passe-passe amusant au cas où celui-ci aurait eu l’intention de donner l’alerte en se réveillant.

Nos héros arrivèrent ensuite dans une grande salle où un être étrange dissimulé sous un mystérieux casque et noyé dans une large cape noire les attendait en ricanant à voix haute.
« Ça fait plaisir d’être accueilli de la sorte, lança Phileas la mine réjouie.
-Méfie-toi, confia Damien. Je crois que c’est le Seigneur Noir.
-Le Seigneur Noir?
-Lui-même! lança l’intéressé en provoquant des explosions autour de lui.
-Sorcier, vous aussi? s’étonna Damien.
-On ne peut rien vous cacher, fit l’autre.
-En tous cas, rajouta Phileas, vous ne vous y prenez pas très bien. C’est vrai, c’est très con cette expression: on ne peut rien vous cacher. Si vous vouliez réellement nous cacher que vous êtes sorcier, vous n’auriez pas fait étalage de vos pouvoirs en déclenchant des explosions de la sorte, vous êtes d’accord?
-Pauvre sot, fit le Seigneur Noir en baissant les bras, tu viens de gâcher mon entrée en scène. Ressortez tout de suite! »
Les hommes du roi s’exécutèrent et revinrent dans la grande salle quelques secondes plus tard. Le Seigneur Noir se remit à ricaner.
« Ça fait plaisir d’être accueilli de la sorte, lança Phileas pour la deuxième fois.
-Méfie-toi, confia Damien à nouveau. Je crois que c’est le Seigneur Noir.
-Le Seigneur Noir?
-Lui-même! redit le Seigneur Noir en reprovoquant des explosions autour de lui.
-Sorcier, vous aussi? redit Damien en faisant semblant d’être étonné.
-On ne peut rien vous cacher, redit le Seigneur Noir.
-En tous cas, rajouta Phileas, c’est amusant cette impression de déjà vu et je… vous… vous êtes vraiment sorcier? Incroyable! » conclut-il sous la menace du regard perçant de son interlocuteur.
Damien chercha à intimider le Seigneur Noir en provoquant à son tour des explosions dans la grande salle. Phileas se mit à tousser ainsi qu’Hercule qui se réveilla en sursaut. La pièce fut rapidement noyée dans la fumée et le guerrier barbu somma les magiciens d’interrompre leur joute explosive au plus vite.
« Bon, annonça Hercule, j’en ai plein le cul de me faire assommer comme ça, ô Seigneur Noir. Alors voici: on est venu vous dire qu’il ne faut pas défier le roi et que le coup du jarre toxique, c’est très mal. Bonjour chez vous. »
Sur ces mots, le guerrier prit ses deux amis par l’épaule et se dirigea avec eux vers la sortie. Le Seigneur Noir poussa son cri de colère et sa voix était comme l’effondrement d’un building de cent étages, mais Hercule fit comme s’il n’avait pas entendu. Alors le maître des lieux déclencha une inclinaison du plan réel et ce fut comme si nos amis marchaient au plafond. Le temps s’écoulait autrement et cette nouvelle configuration de l’espace décuplait les pouvoirs pourtant déjà immenses du Seigneur Noir.
« Qu’as-tu fais, ô imbécile? interrogea Damien.
-Tu le tutoies maintenant? demanda Hercule.
-Nous avons fait nos études ensembles à l’école du Hibou Péteur. J’ai bien cru le reconnaître en arrivant quoique le casque m’a fait douter, mais après ce qu’il vient de faire, il n’y a plus de doute possible. N’est-ce pas Maurice?
-Ne m’appelle pas comme ça. Ce nom ne signifie plus rien pour moi.
-Tu renies également ta réputation, vieux Dom Juan?
-Il suffit, Damien!
-Mes amis, Maurice était connu à l’école pour être un habile coureur de jupon, aussi est-ce tout naturellement que nous lui avons attribué le surnom de…
-Damien, s’enflamma le Seigneur Noir, je t’en prie!
-Alors, c’était quoi ce surnom? demanda Hercule
-Chaud-du-zob. »
Un silence pesant s’installa dans la grande salle et tous les regards se tournèrent vers le Seigneur Noir.
« Voilà qui casse le personnage, commenta Phileas.
-Un homme de votre rang devrait savoir se tenir avec les femmes, rajouta Hercule.
-Tu peux parler, lança Damien.
-Vous allez tous mourir! conclut le Seigneur Noir plus enragé que jamais.
-C’est bien joli vos histoires de slip, se lamenta Phileas, mais on va pas rester au plafond toute la journée non plus.
-Tu as raison, répondit Damien. Aracnadabra! »
A ces mots, la lumière se concentra en une sphère compacte qui prit rapidement la forme d’une araignée.
« C’est horrible, commenta Phileas.
-Peut-être, répondit Damien, mais c’est efficace. »
La créature était effectivement en train de malmener le Seigneur Noir qui tomba à la renverse sur le lustre. Souvenez-vous que les éléments étant renversés, il aurait difficilement pu se cogner contre la table, aussi tomba-t-il bel et bien à la renverser sur le lustre et senti comme un cadavre de chiot tout sec sous son postérieur.
« Bruno! » lança le Seigneur Noir en soulevant un quadrupède empaillé qui était accroché dans le lustre avant de le serrer contre lui en sanglotant.
« Tu nous dois des explications Maurice, intervint le sorcier du roi.
-C’est Bruno, répondit l’intéressé. C’est le chien avec lequel j’ai grandi. Je l’ai fait empailler à sa mort et je l’ai mis sous coffre. Je le sortais à l’air libre quand j’étais seul, mais un jour le coffre était vide. Seuls les deux chefs de mon armée possédant le passe général de l’ensemble des coffres du château, j’ai renié mes troupes et pleure Bruno depuis sans espoir de consolation, mais tout est arrangé maintenant.
-Peut-être, mais pourquoi vouliez-vous renverser le roi? demanda Hercule.
-Parce qu’il collectionne les animaux empaillés et j’ai pensé qu’un de mes généraux en chef aurait pu lui vendre Bruno.
-C’est exact, confia un homme en habit royal qui venait d’entrer dans la pièce en marchant au plafond. Je collectionne les animaux empaillés, mais personne n’a tenté de me vendre votre chien.
-Majesté! s’étonna Damien. Que faites-vous ici?
-Il n’est pas votre roi, coupa le Seigneur Noir. Regardez! »
L’auteur de la précédente réplique tira sur la barbe de l’imposteur et dévoila le général en chef des guerriers chauves qui n’en menait désormais pas très large.
« C’est toi! grogna le Seigneur Noir. Comment as-tu pu?
-Je suis artiste-peintre, répondit le général. Comme personne ne lève jamais la tête dans ce château, personne ne s’en serait jamais aperçu et j’aurais pu réaliser le rêve d’un commanditaire puissant, à savoir peindre la salle du château avec un animal empaillé posé sur un lustre.
-Pardon? demanda le Seigneur Noir.
-C’est un concept reprit l’autre, nous devions lancer un mouvement. Vous ne pouvez pas comprendre.
-Es-tu conscient que tes hommes s’entretuent avec des nains par ta faute?
-Je m’en fous, c’est le roi en personne qui m’a obligé à faire ça. Je ne pouvais pas refuser.
-C’est exact, confirma un autre homme en habit royal qui venait d’entrer dans la pièce en marchant au plafond. Je voulais lancer ce mouvement pour marquer l’histoire de l’art et surpasser ma carrière politique. Il me fallait un peintre qui puisse faire le coup en étant sur la place et comme je savais que votre général en chef chauve avait un bon coup de pinceau…
-Majesté! s’étonna Damien. Que…?
-Il n’est pas votre roi » coupa le Seigneur Noir en tirant sur la barbe de l’imposteur.
Personne ne su qu’il s’agissait du général en chef des guerriers nains car le sort arriva à terme et tout le monde tomba à la renverse sur le sol. L’imposteur en profita pour s’enfuir en courant.
« Sans doute un artiste raté, supposa le général en chef des chauves en se grattant la tête. Il avait de bonnes idées, mais ne savait pas peindre. Il a foutu ma carrière militaire en l’air en voulant utiliser mon talent. Quel bandit!
-De toute façon, le roi n’a pas de barbe, précisa Hercule avant de plonger la salle dans un silence de mort pendant une bonne minute.
-Maître! hurla un type qui venait d’arriver en trombe. Maître! C’est la catastrophe!
-Décidément, commenta le Seigneur Noir, on rentre dans mon château comme dans un moulin. Que veux-tu villageois?
-Les chauves et les nains se sont disputés pour une histoire d’odeur fétide dans les montagnes où ils résident, reprit le nouvel arrivant. Chacun accusant les autres d’avoir de problèmes de chasse d’eau, ils ont fini par en venir aux mains. Il n’y a aucun survivant. C’est horrible!
-Au contraire, commenta le Seigneur Noir, C’est une bonne chose. Plus besoin d’avoir de scrupules sur leur situation maintenant.
-De toute façon, qu’aurais-tu fait? demanda Damien.
-C’est vrai, rajouta Hercule, même sachant qu’ils sont innocents, vous n’auriez pu les réintégrer dans vos troupes car vous avez engagé de nouveaux hommes pour les remplacer.
-Il a raison, reprit Damien, ton armée est déjà complète. Franchement, qu’aurais-tu fait?
-Moi? demanda le Seigneur Noir. Rien du tout. »

Toute l’équipe éclata d’un rire des plus énergiques, y compris le général en chef des chauves qui était de toute façon en contrat avec un producteur pour exercer ses talents d’imitateur dans les cabarets du royaume. Il faut reconnaître qu’il était franchement méconnaissable déguisé en roi et qu’il n’avait pas son pareil pour imiter les personnalités les plus marquantes de la contrée, allant du vieux bedeau boiteux jusqu’au Seigneur Noir lui-même.
Ancien général en chef de l’armée seigneuriale, artiste-peintre et imitateur de renom, cet homme aux talents singuliers ridiculise ici très clairement le pauvre Hercule dont la destinée semble en comparaison plus que transparente. Une prochaine série d’une richesse largement supérieure à celle d’Hyperborea car entièrement consacrée à l’ancien chef militaire devrait voir le jour dans les plus brefs délais. Il convient cependant par respect pour le roi Ernest de préciser que celui-ci avait repris connaissance après absorption d’une portion de chrisenchante, mais entre nous, maintenant que vous avez lu ce que vous avez lu, maintenant que vous savez ce que vous savez, reconnaissez que cette faible conclusion demeure d’une importance toute relative et c’est la raison pour laquelle je ne peux qu’une fois de plus vous encourager vivement à vous abstenir de poursuivre la lecture de cette série.

Hyperborea: Guerre de clans (Les crânes lisses)

Épisode cinq: Guerre de clans

Chapitre quatre: Les crânes lisses

Une fois loin de la grotte, Hercule s’isola pour évacuer son stress entre autres choses derrière un rocher.
« C’est marrant, lança Damien en cueillant des échantillons de chrisenchante qu’il rangea dans sa besace, quand tu nous as dit que le Seigneur Noir en voulait au roi, ça m’a rappelé quelque chose.
-Tu le connais? demanda Phileas.
-Attendez! hurla Hercule de derrière son rocher. J’ai un truc à vous dire sur lui.
-Concentre-toi sur ta crotte et fiche-nous la paix, ordonna le magicien.
-Alors? relança le barbu. Tu en as déjà entendu parler?
-Mais oui! s’extasia Damien en se frappant le front. C’est lui le seigneur qui a banni les soldats de son armée. Te rends-tu compte que le jarre toxique et son remède végétal vivent dans la même contrée? C’est une chance!
-C’est-ce que je voulais vous dire! » s’énerva Hercule.
Cela dit, le coup de massue qu’il reçu sur la tête l’empêcha d’ajouter quoique se soit. Cinq bipèdes au crâne lisse entouraient le guerrier accroupi en brandissant leurs armes.
« Mais c’est pas un nain, s’étonna leur responsable, il faisait seulement caca!
-Tu veux qu’on lui coupe la tête? demanda l’un de ses hommes. On ne sait jamais…
-Exact, répondit l’intéressé, c’est peut-être un espion à la solde des nains. On ne peut pas prendre de risque.
-Très bien, je le massacre immédiatement. »
Joignant le geste à la parole, le soldat chauve leva son épée, mais Phileas lui sauta dessus et l’immobilisa en lui empoignant fermement les aisselles.
« Qu’est-ce que c’est que ça? s’affola le garde.
-C’est de la lutte, répondit le barbu, un sport de combat à mains nues absolument redoutable. »
Le guerrier roux illustra sa phrase en renversant le garde par-dessus sa propre tête. Les autres reculèrent, inquiets.
« Bon, s’excita Damien, jouons cartes sur table, voulez-vous? Vous connaissez le Seigneur Noir tout comme les merdaillons lilliputiens que nous venons d’écraser. Il veut renverser le roi et nous venons de sa part pour l’en empêcher.
-De la part de qui? demanda le leader des chauves.
-Ben de la part du roi, répondit Damien.
-Le roi de quoi? reprit l’autre.
-Tu te fous de ma gueule? s’énerva Damien.
-La gueule de qui?
-Bon, ça ira comme ça. Une réflexion de plus et tu t’en prends une!
-Me prendre une quoi? »
Le geste partit un peu vite et les soldats n’eurent pas le temps de réagir. Leur responsable ayant perdu connaissance, ils ne savaient pas trop quoi faire et se regardaient les uns les autres, incapables de prendre la moindre initiative.
De son côté, Hercule reprenait doucement connaissance. Il se frotta le crâne et se releva péniblement.
« Bon, ça suffit, s’excita finalement l’un des gardes, votre comportement est plus que suspect. Vous êtes de toute évidence à la solde des nains. D’ailleurs, celui qui faisait caca leur ressemble tellement qu’il va être le premier à y passer. Vous autres! Saisissez-le!
-Attendez, s’alarma Hercule, vous m’avez pris pour une de ces petites fientes qui ont menacé de me torturer il y a quelques heures?
-C’est que vous avez le même air couard et stupide, expliqua le chauve gradé qui venait lui aussi de reprendre connaissance.
-Ah bon?
-Oui. Mettez-vous de profile s’il-vous-plaît.
(Hercule s’exécuta.)
-C’est flagrant! crièrent les gardes à l’unisson.
-Vous m’inquiétez… fit Hercule.
-C’est au niveau du nez, précisa le chauve gradé. Ça vous fait une gueule de collabo.
-Vous êtes sûr?
-Il a raison, intervint Phileas. Tu es dur à assumer, tu sais.
-On n’avait jamais osé te le dire, précisa Damien.
-Vous devriez vous débarrasser de lui, conseilla le responsable des chauves, un jour ou l’autre, il vous portera préjudice. »
Phileas s’approcha de son camarade.
« Héla! Pas de blague! fit Hercule.
-Il faut pourtant bien faire quelque chose » expliqua le barbu en soulevant sa hache sous le regard terrorisé du pauvre Hercule.
Phileas abattit son arme d’un seul coup et décapita le leader des chauves une bonne fois pour toutes. Damien enchaîna en paralysant les autres par un tour de passe-passe amusant.
« T’es vraiment con, lança Phileas. Tu croyais vraiment que j’allais te butter?
-Ben je sais pas. T’avais l’air menaçant, tout ça…
-Maintenant, fit Damien en se tournant vers les gardes, vous allez nous dire où se trouve le souterrain le plus proche qui mène au château.
-Comment ça? demandèrent les chauves.
-Ben en agitant vos lèvres, répondit Hercule.
-Tous les châteaux ont des souterrains, reprit le sorcier. Vous allez cracher le morceau.
-On veut bien, mais on est nul pour expliquer, répondirent les gardes. Il vaut mieux nous suivre.
-Ça sent le piège, commenta Phileas.
-Bon, firent les gardes. Comme vous voudrez. Alors il faut tourner au deuxième buisson à gauche derrière vous, heu… non, le troisième, enfin je sais plus. Et après, il y a une clairière à traverser et vous arrivez devant un vieux chêne, ben c’est pas du tout par là. Au contraire, il faut tourner juste en sortant de la clairière, donc avant le chêne, ensuite…
-Ça va, conclut Damien. On vous suit. »

Nos amis arrivèrent au château après avoir semé les chauves en courant très vite dans le souterrain tout noir.
« Ça avance tout ça, dit Hercule. On a le remède, y a plus qu’à faire une tête au carré au Seigneur Noir pour lui faire comprendre qu’on ne menace pas impunément le roi avec un jarre toxique sans avoir à subir le courroux de ses fidèles guerriers et puis on rentre.
-Ça ne sera peut-être pas aussi simple, ajouta Damien. On ne le connaît pas, il est peut-être plus fort que nous.
-Plus fort que nous? répondit Hercule amusé. Plus fort que nous? Ha! Ha! Ha! Tu n’y penses pas mon bon Damien? Ha! Ha! Ha! ».
Un coup de massue reçu sur le crâne fit taire le guerrier au rire stupide qui s’écroula lamentablement sur le sol.
« Ça devient une habitude, commenta Phileas.
-A croire qu’il est né pour ça, fit Damien en ricanant.
-Vous êtes sur le point d’accéder au château du Seigneur Noir, annonça un type en armure. Veuillez faire demi-tour.
-Ben ça ne serait pas très malin, répondit Phileas, puisqu’on est venu justement pour voir le Seigneur Noir.
-Je vous demande de partir, insista le type.
-Ça ne va pas être possible, coupa Damien en avançant vers son interlocuteur.
-Je suis le gardien du souterrain et je ne vous demande pas votre avis. Partez! C’est un ordre.
-Réfléchissez une seconde, mon ami. Quand vous allez chercher votre pain le matin, si le boulanger vous dit de partir quand vous arrivez à la boulangerie, ça risque de compliquer les choses pour obtenir votre pain. Vous êtes d’accord?
-Heu… oui.
-Bon. Alors qu’en est-il pour nous qui cherchons le château du Seigneur Noir et à qui vous dites qu’il faut partir sous prétexte qu’ici, c’est le château du Seigneur Noir?
-Je ne sais pas…
-Et bien c’est comme vous avec votre pain, ça risque de compliquer les choses.
-Il a raison, commenta Phileas en prenant Damien par l’épaule, mon ami est très lucide, il faut l’écouter.
-Vous dites n’importe quoi, s’énerva le gardien. Vous cherchez simplement à m’embrouiller.
-De quoi vous parlez? demanda Hercule qui venait de se réveiller.
-Monsieur dit qu’on doit partir, expliqua Phileas.
-On n’est pas au château? s’inquiéta Hercule.
-Si, répondit Damien.
-Alors pourquoi partir? reprit le guerrier. Je ne comprends pas… »
Les trois paires d’yeux se tournèrent vers le gardien qui ne savait plus où il en était. Celui-ci donna un second coup de massue sur la tête du pauvre Hercule pour le faire taire et éclata en sanglots.
« Calmez-vous, intervint Damien. Vous faites fausse route depuis des années, mais il n’est jamais trop tard pour repartir. Ayez confiance! »
Le sorcier lui passa la main dans les cheveux et lui fit un grand sourire. Le gardien le lui rendit entre deux sanglots et Phileas en profita pour lui péter la gueule.

Hyperborea: Guerre de clans (Le repère des nains)

Épisode cinq: Guerre de clans

Chapitre trois: Le repère des nains

Balloté à dos de nain sur un chemin caillouteux, Hercule reprit conscience après un horrible rêve où il se voyait dévoré par son propre lit. Celui qui portait l’armure ainsi que la responsabilité de chef de groupe marchait devant les autres en beuglant comme un âne:
« Allez! Han! Du nerf! Han! Han!… »
Hercule sourit en pensant que c’était plutôt agréable de faire du tourisme sans avoir à marcher. Il changea d’humeur quand les nains le projetèrent au sol. Le prisonnier fut poussé du pied vers l’entrée d’une grotte, puis devant la porte d’une cellule où plusieurs hommes au crâne lisse le regardaient avec compassion. On l’enferma avec eux après avoir défait ses liens. L’un des chauves lui lapa le crâne de se langue râpeuse.
« Mais qu’est-ce que vous faites? s’emporta le futur gendre du roi.
-C’est le signe de reconnaissance, tu sais bien… répondit le détenu.
-Je ne sais rien du tout, je ne vous connais pas.
-A d’autres. Tu es en sécurité avec nous, tu n’as plus besoin de te cacher. »
Les autres prisonniers se rapprochèrent d’Hercule et lui lapèrent le crâne à leur tour en faisant des bruits de limaces piétinées par des sangliers. Le guerrier gémit de dégoût avec une voix suraiguë qui trahissait certains aspects de sa personnalité…

Dehors, Phileas et Damien suivaient les traces de pas des nains tout en se racontant des histoires de fesse pour tuer le temps. Le sorcier s’arrêta en riant, souleva sa robe noire et illustra la chute d’un calembour d’un geste significatif de la main droite quand le barbu, le regard livide, lui indiqua du doigt qu’il y avait derrière lui matière à cesser les jérémiades. En effet, un organisme d’au moins trois mètres de hauteur à la forme très particulière se tenait face à Phileas et regardait avec convoitise les petits bras mobiles de Damien qui lui tournait le dos. La chose se baissa et se péta une dent en voulant croquer le coude du sorcier.
« Aïe! gémit Damien. Qu’est-ce qui s’est passé?
-On dirait une paire de burnes… constata le barbu.
-Un kropignouf? s’affola le sorcier. Nous voilà bien… »
Il se retourna pour admirer avec son camarade la créature qui venait de le mordre et qui évoquait de manière très explicite une paire de testicules d’une taille gigantesque.

Hercule se tenait le dos plaqué contre la porte de la cellule pour être le plus loin possible de la banquette d’où les chauves le regardaient sans comprendre sa réticence.
« N’approchez pas, hurla-t-il, où j’avale ma langue et je fais croire aux nains que c’est vous qui m’avaient tué!
-Si tu meurs en avalant ta langue, tu pourras pas leur dire, commenta un chauve.
-Je leur ferai comprendre par geste! insista Hercule.
-Il est con. » reprit le chauve.
Le guerrier se fâcha tout rouge et, s’apercevant qu’on ne lui avait pas retiré son épée, sortit cette dernière de son fourreau pour l’agiter convulsivement au-dessus de sa tête dans l’espoir d’effrayer les autres détenus. Ceux-ci identifièrent le geste d’Hercule comme le signal de rébellion appris à l’entraînement et se jetèrent à la grille en hurlant des injures à l’égard des nains tout en frappant les barreaux du poing. Plusieurs gardes arrivèrent pour demander des comptes aux agitateurs. Tous les chauves pointèrent Hercule du doigt en expliquant qu’il était l’initiateur du mouvement et qu’ils n’avaient fait qu’obéir. Le prétendant de la princesse Diane fut roué de coups et privé de son épée par ses geôliers qui l’abandonnèrent au sol comme une vieille chaussette. Les autres tentèrent de le relever, mais Hercule, toujours sur le dos, refusa d’être touché par ses camardes de cellule et leur cracha dessus avec colère. Sa salive monta de façon menaçante pour ensuite retomber lamentablement sur son propre visage sans avoir atteint la moindre cible. Humilié, le garçon s’essuya de la main et se releva seul. Les chauves s’abstinrent du moindre commentaire pour ne pas faire d’histoire.
« Le sortilège va bientôt cesser de fonctionner, annonça Damien à son coéquipier tout en maintenant un écran de protection autour d’eux sur lequel la paire de burnes sautait à pieds joints depuis déjà cinq bonnes minutes.
-Au diable les tours de passe-passe, s’enflamma Phileas en brandissant son arme, je préfère me battre. »
Joignant le geste à la parole, le guerrier frappa le kropignouf à l’orteil en poussant son cri d’assaut. La créature leva la tête au ciel pour sortir sa langue qu’elle agita en émettant un signal sonore comparable à celui de Jacques Villeret dans La soupe aux choux. Aussitôt trois de ses congénères arrivèrent au pas de course et Phileas retourna dans le champ de protection du sorcier.

« Ça tombe très mal, précisa Damien.
-Comme une colique néphrétique le jour de son propre mariage, rajouta Phileas. »

Hercule fut tiré de son mutisme par un nain gradé qui le fit sortir de sa cellule.
« Tu vas nous cracher le morceau, annonça-t-il.
-Je préfère pas, répondit bêtement Hercule, la dernière fois que j’ai craché, ça s’est retourné contre moi.
-Silence! aboya le nain. Tu parleras quand on te le dira. »
Mettant un terme à toute forme de débat, l’un des gardes bâillonna Hercule de la main et le força à avancer plus vite.

« Plus que trente secondes, annonça Damien. La protection commence déjà à disparaître.
-Ça m’est égal, se résigna Phileas, je vais me battre pour mourir la conscience tranquille. C’est la seule chose qui compte pour un soldat d’honneur…
-Attends, le coupa Damien, je crois que tu n’auras pas besoin de jouer les héros. Regarde… »
Visiblement, les burnes se disputaient l’accès au couple humain, chacune des paires barrant le passage aux autres pour se réserver l’intégralité du repas. Le différent tourna au combat physique et les burnes se roulèrent au sol comme des écoliers se disputant un lot de billes.
« C’est le moment de filer! lança Phileas.
-Ces monstres font trembler le terre, précisa Damien, essayons de ne pas tomber comme des quilles. »
Le duo prit discrètement la poudre d’escampette. Trop occupées à s’entretuer, les burnes ne s’en aperçurent même pas.

Aveuglé par la chandelle qu’on exhibait devant ses yeux, Hercule frottait la bosse qu’un coup de matraque du nain gradé avait fait naître sur son crâne.
« Alors! Tu vas parler? beugla ce dernier en postillonnant.
-Je comprends rien à votre histoire de coffre, répondit Hercule, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise?
-Bien. A l’instar de tes semblables, tu es donc prêt à te faire torturer tous les jours plutôt que d’avouer la vérité. Bravo…

-Ce ne sont pas mes semblables, je suis chauve par accident je vous dis!
-Y a rien à en tirer, s’enflamma le nain, foutez-moi ça en chambre de torture.
-J’ai pas peur…
-On va voir si tu fais toujours le malin avec un merlouc dans le fion.
-C’est quoi?
-Un serpent coprophage. »

Phileas et Damien ne tardèrent pas à tomber sur une zone où poussaient des chrisenchantes. Ils en prirent une poignée qu’ils placèrent dans une sacoche et continuèrent à chercher Hercule.
« Le jeune merdaillon est tellement stupide, lança Phileas. Je n’aurais plus de faire-valoir s’il se faisait tuer, il faut le retrouver à tout prix.
-Tu es dur, rajouta Damien. Souviens-toi qu’il a délivré Diane tout seul.
-Ouais. Souviens-toi aussi qu’il a perdu l’amulette…
-Il l’a tout de même retrouvée.
-C’est moi qui l’ai rapportée au château.
-Au fait, pourquoi ne se la passe-t-il pas autour du cou? Il serait invincible.
-Je sais. C’était pourtant le souhait du roi, mais il a changé d’avis en voyant Hercule. Il offrira l’invulnérabilité à son futur gendre quand celui-ci aura fait ses preuves.
-C’est-à-dire?
-Pour ça, le roi a ses raisons que la raison ignore. C’est comme la passion des femmes pour les plantes vertes, ça reste un mystère…
-C’est juste. On se demande vraiment… Et d’abord ça ne sert à rien!
-Et puis ça attire les mouches.
-Et surtout ça se renverse et alors il faut ramasser la terre.
-C’est bon pour… pour les bonnes femmes! »
Les deux hommes partirent d’un grand rire et Phileas se dandina d’une façon nunuche en faisant semblant d’arroser quelque chose. Damien en eut les larmes aux yeux.

Debout dans la chambre des tortures, Hercule attendait les bras croisés en fixant la lucarne donnant sur l’extérieur. Le bourreau finit par arriver avec le reptile dans les mains.

« Tu sais ce qu’il va t’arriver? lança-t-il.
-J’en ai vu d’autres, répondit Hercule d’une voix tremblante.
-Tu n’es pas très convaincant. C’est la première fois que tu te fais torturer? »
Hercule ne répondit pas et fondit en larmes. Il se tourna vers le bourreau et tomba sur les genoux.
« La petite scène que voici est ridicule, commenta ce dernier, un peu de courage mon garçon. Tu vas simplement perdre connaissance chaque fois que tu iras à la celle pendant quelques mois.
-Pourquoi? pleura le guerrier.
-A cause du frottement des étrons sur les plaies.
-Je veux dire: pourquoi on me torture?
-Parce que tu fais partie du clan des chauves.
-C’est qui?
-Arrête tes conneries! T’as vu ta gueule? Tu ne vas pas non plus me dire que tu n’en fais pas partie!
-C’est un accident. J’ai des cheveux en vrai.
-Le Seigneur Noir a été volé par ton clan et nous sommes tous punis par votre faute, alors ne mens pas!
-Je vous jure que j’ai des cheveux, mais vous avez bien dit le Seigneur Noir?
-Lui-même. Nous avons tous été soldats dans son armée. Tu le sais aussi bien que moi.
-Bon sang, je vais lui casser la gueule!
-Au Seigneur Noir?
-Il veut renverser le roi, bon Dieu!
-Pour le moment, renverse-toi sur le ventre et arrête de blasphémer. »
Le prisonnier s’exécuta et le bourreau lui baissa slip et pantalon.
« Attendez! supplia Hercule, nous pourrions nous entendre!
-Tu rêves! répondit l’autre.
-Je peux maîtriser le Seigneur Noir et l’obliger à faire une enquête.
-Commence déjà par maîtriser ton angoisse, je te signale que ton sphincter s’exprime avec autant de véhémence que tes cordes vocales depuis tout à l’heure.
-C’est nerveux…
-Ça excite surtout le merlouc. »
Conscient qu’un repas l’attendait, le serpent se tortillait dans tous les sens en humant le gaz annonciateur de la délectation prochaine. C’est à ce moment qu’une terrible explosion fit trembler la grotte. Le bourreau se précipita hors de la pièce avec le reptile en maugréant:
« Tu ne pais rien pour attendre! Je vais voir ce qu’il se passe et je reviens m’occuper de toi! »
Hercule se releva et se cassa la gueule en voulant se rapprocher de la porte.
« Merde! Mes fringues! jura le prisonnier qui n’avait pas encore remis son pantalon. J’espère qu’on est venu me délivrer… »
Hercule ne croyait pas si bien dire. Phileas et Damien avaient retrouvé la petite culotte d’une courtisane du château tombée de la poche du guerrier devant l’entrée de la grotte. Le rapprochement avec leur camarade lubrique n’avait pas été très difficile à faire et il leur avait suffit de déclencher l’explosion d’une chauve-souris par un tour du sorcier pour se débarrasser des gardes plantés à l’entrée.
« C’est marrant, commenta Phileas, c’est quoi ce tour?
-Ça s’appelle la combustion spontanée, répondit Damien. La victime prend feu et anéantie ce qui se trouve à sa portée en explosant.
-Dommage pour la chauve-souris, elle avait une bonne tête…
-C’est la votre qui va tomber dans quelques instants! pesta un chef de troupe nain entouré de ses hommes.
-Tiens, fit le sorcier, voilà le comité d’accueil…
-On en laisse un en vie pour nous dire où se trouve Hercule ou on le cherche nous même? demanda Phileas.
-On le cherche nous même, répondit Damien. Bute-les tous.
-Héla! On se calme! s’affola le chef qui voyait le barbu brandir sa hache. On doit pouvoir s’arranger. Vous savez, on est petits, mais costauds. Il faut pas se jeter sur nous comme ça…
-C’est des menaces? demanda Phileas, amusé.
-C’est bon! Laisse tomber, s’impatienta Damien, en claquant des doigts, je viens de les changer en fourmis par mon geste. Tu n’as plus qu’à les écraser.
-Ah non! s’emporta le barbu. Pas d’accord! C’est trop facile! Ce qui est amusant, c’est de les entendre gémir quand on les écrabouille. Rends-leur leur aspect normal!
-On n’a pas le temps. Viens! »
Damien fit signe à Phileas de le suivre en se dirigeant vers un escalier en pierre. Le barbu bougonna quelques vocables incompréhensibles et suivit le magicien. Des cris d’épouvante alertèrent le duo que leur coéquipier était en mauvaise posture. Ils se précipitèrent vers la source du tumulte et découvrirent Hercule à plat ventre, l’arrière train à l’air, des sanglots longs ponctuant ses spasmes qui bredouillait:
« Bheu… J’ai peur du monsieur avec son gros serpent!
-Nous venons d’interrompre une séance de fétichisme extrême, se lamenta Phileas. »
Le détenu se retourna et insulta les deux autres en se relevant.
« Remets ton slip au lieu de dire des gros mots, conseilla Damien, tu pourrais tomber. »
Hercule s’écroula au sol, pesta et se rhabilla. Ses deux amis lui firent comprendre qu’ils ne voulaient en aucun cas savoir de quoi il s’agissait et qu’il faisait ce qu’il voulait de sa vie. Damien révéla au guerrier la cause de son enlèvement et celui-ci exigea qu’on lui rende ses cheveux sans quoi il pourrait en venir aux mains dans les plus brefs délais. Le magicien s’exécuta et les trois lascars retournèrent à l’entrée de la grotte où les fourmis leur barraient le passage. Une bonne dizaine d’entre elles fut écrasée et Damien, se souvenant de ce qu’il avait fait, revint sur ses pas pour rendre aux survivants leur aspect initial. Ce fut un festival de lamentations auxquelles nos héros ne prêtèrent aucune attention.

Hyperborea: Guerre de clans (Une armée coupée en deux)

Épisode cinq: Guerre de clans

Chapitre deux: Une armée coupée en deux

« C’est ennuyeux… marmonna Damien quand les deux fidèles serviteurs du roi lui exposèrent la situation. Ces fleurs poussent dans une zone très mal fréquentée. Le mieux, c’est que je vous accompagne car je n’ai aucun élixir à vous fournir pour venir à bout des kropignoufs.
-Kropignoufs?
-Ceux sont les créatures qui vivent dans ces montagnes.
-A quoi elles ressemblent? demanda Hercule.
-Je vous laisse la surprise… »

Dans le chambre du roi, les gardes responsables de sa sécurité jouaient à s’échanger sa couronne.
« C’est mon tour! lança l’un d’eux.
-Attends encore cinq minutes, rétorqua l’autre, t’as qu’à faire une ronde dans le couloir pour t’occuper. »
A côté d’eux, le roi ronflait en faisant claquer sa langue contre son palais comme une serviette de table contre une paire de fesses.

« Je m’en fous, s’enflamma Hercule. Tu te débrouilles comme tu veux, mais tu me retrouves la formule.
-Je suis désolé, s’excusa Damien qui venait de changer l’autre en orang-outan. Je croyais avoir prononcé les mots qui annulent l’effet de gravité sur le sujet, mais j’ai dû faire erreur…
-Oui, ben c’est pas avec un faciès de macaque et des poils roux sur le corps que je vais m’envoler au sommet des montagnes!
-Pourtant, c’était le but… Attends, avale ça. »
Damien enfonça une gousse d’ail entière trempée dans un jus de quelque chose d’horriblement acide dans la gorge du pauvre Hercule qui toussa comme un diable et perdit tous ses poils. Les deux autres éclatèrent de rire.
« Tu as repris forme humaine et tu as perdu tous tes poils, commenta Phileas entre deux haussements d’épaule. Je dis bien TOUS tes poils…
Hercule se passa la main sur le crâne.
-Mais… je suis chauve!
-Regarde dans ton slip, rajouta le rouquin, ça peut-être cocasse. »
Hercule s’exécuta et découvrit un sexe imberbe qui le révulsa à l’extrême.

Nos trois amis discutaient ainsi sur un petit chemin de la montagne du Seigneur Noir qu’ils venaient tout juste d’atteindre lorsqu’ils reçurent une visite d’une convivialité toute relative.
« Bâillonnez-moi ça! hurla un type minuscule en armure en faisant sursauter les hommes du roi de sa voix bourrue. Ceux-ci se retournèrent et virent trois petits soldats leur sauter dessus avec rage. Hercule fut neutralisé à l’aide d’une solide corde et emporté par les nains. Phileas tenta de les rattraper. Celui avec l’armure s’interposa. Le guerrier brandit sa hache, mais son adversaire le devança d’un coup de boule magistral. Damien releva son camarde qui pissait le sang.
« Bon sang! pesta Phileas, blessé. Qui sont ces nains? Qu’est-ce qu’ils veulent à Hercule?
-Ceux sont des exilés du château de la contrée voisine, répondit le sorcier. Ils étaient tout un groupe de soldats nains au service du seigneur. Leur petite taille leur permettait de s’infiltrer partout, mais un jour, le contenu d’un coffre dont seule l’armée possédait la clef disparut soudainement. Il y avait en réalité deux jeux de clef: un aux mains des nains et un aux mains de l’autre moitié de l’armée du seigneur, à savoir le clan des chauves, guerriers robustes engagés pour les combats de front sans réelle stratégie. Ne voulant pas chercher de responsable, le seigneur a banni les deux moitiés de son armée du château et a engagé de nouveaux hommes sans se soucier de leur taille ni de leur chevelure. Depuis, les chauves et les nains vivent en exile dans cette montagne et se font la guerre, chacun accusant les autres d’avoir volé le contenu du coffre.
-Ils ont pris Hercule pour un chauve! lança Phileas.
-T’as tout compris. Ils vont l’emprisonner dans leur repère, j’imagine. A moins qu’ils ne le tuent. En tous cas, il faut faire quelque chose. »
Phileas se frotta le crâne et partit avec le sorcier dans la direction qu’avaient prise les nains.