Chapitre dix-sept : Le voleur d’œufs
En arrivant dans les cuisines du château, Dimitrius et Delphine aperçurent le comte Étienne Demonfraid qui cachait dans sa besace une bien étrange enveloppe.
« Bon sang ! Demoiselle Delphine ! glapit Dimitrius. Voilà notre homme.
– Vous croyez…
– C’est évident !
– Ce serait lui qui…
– Oh là ! Vous, là-bas, avec la besace ! » hurla le seigneur à l’adresse du comte.
En entendant la voix du seigneur, Demonfraid prit ses jambes à son cou.
« Cette fois, le doute est totalement exclu ! rugit Dimitrius. Ce filou est de toute évidence mêlé à un trafique d’œufs ! »
Dimitrius fit arrêter le coquin sur-le-champ, lequel protesta :
« Non et non ! Vous ne lirez pas mon courrier galant. Il est très clairement et exclusivement adressé à Demoiselle Émilie d’Allychamps ! Malgré le respect que je vous dois, je vous l’interdis ! »
Dimitrius soupira de soulagement et ne put s’empêcher de lire la précieuse lettre.
« Quel navet cette déclaration ! pouffa le seigneur. Demonfraid, vous n’êtes qu’une grande asperge d’opérette ! L’art de la galanterie n’ayant pour vous d’égal que la modeste taille de ma personne, je vous propose de faire un saut dans mes appartements, je vous y donnerai des leçons ! Dimitrius partit d’un grand rire.
– Renoncez à votre analyse ! fit l’autre. La taille d’une œuvre ne s’appréhende qu’avec de bons outils et votre équipement laisse à désirer. Mon ami, l’art a ceci de commun avec une garde-robe XL que la nature n’en permet pas la capacité de consommation à tous. Soyez adepte, Monsieur, de ce qui rentre dans vos mesures et commencez déjà par vous donner les moyens de prendre ces choses de votre hauteur.
– Qu’est-ce à dire ? Des insultes ? On se moque de moi ? On me traite de nain ?
– Oui Monsieur, et je vous somme de relever le défi que je vous lance ! » brailla Étienne en dégainant sa lame.
Il fut soudainement interrompu par une forme noire qui le fit trébucher.
« Danny ! hurla Dimitrius. C’est un cauchemar ! »
Le chat, les babines pleines de mayonnaise et de morceaux d’œufs, était aux anges.
« Ne me dîtes pas que c’est cet animal qui… »
A ce moment, Danny se jeta sur le seigneur et lui fit perdre l’équilibre.
« Allons, debout maintenant ! lança un homme de la cour en renversant un pichet d’eau fraîche sur Dimitrius afin de le remettre sur pieds. Il faut retrouver cette satanée bête. Debout ! Debout ! »
Dimitri ouvrit un œil, puis l’autre. Il pleuvait à verse dans la cour du collège. Le garçon tata l’herbe mouillée. Il n’avait pas quitté sa place.
« Le cours commence dans deux minutes ! Debout ! m’affolai-je. Tu connais madame Roseau, tu vas encore la mettre de mauvaise humeur si tu ne te dépêches pas. Et tu risques aussi de prendre froid, vieux farceur !
– Je ne savais pas que tu t’intéressais à ma santé ! fit mon camarade.
– On n’a plus le temps de bavarder, répondis-je, maintenant, il faut partir ! »
Je pris la main de Dimitri et l’entraînai dans un conduit d’aération.
« Merci de me servir d’escorte, murmura-t-il, les conduits sont souvent mal fréquentés à cette heure tardive… »
Il m’adressa un sourire complice dont j’ignore toujours la signification.